Avec How far is a lightyear? l’Autrichien Simon Lehner signe une série splendide mêlant photos, archives et 3D, pour s’immiscer dans l’imaginaire d’un jeune garçon en pleine évolution.
« J’ai suivi mon premier cours de photographie au lycée, lorsque j’avais 14 ans. Le professeur avait démarré sa leçon en expliquant ce que le 8e art pouvait devenir si on ne lui fixait pas de limite. J’ai su dès le début du discours qu’il s’agissait un médium fait pour moi »,
se souvient Simon Lehner. Cet artiste de 23 ans, installé à Vienne expérimente, depuis, avec l’image – en mêlant photographie, peinture, archives et même images 3D. « Mon travail est souvent autobiographique. Il me permet d’explorer les dimensions psychologiques, sensorielles et motrices de mes émotions », ajoute-t-il.
How far is a lightyear?, projet sélectionné pour la Carte blanche étudiants de Paris Photo en 2018, documente le développement d’un enfant au sein d’une famille sans figure paternelle. « J’ai rencontré mon père pour la première fois en 2005, lorsque j’avais neuf ans. Il est reparti quelque temps plus tard », précise l’auteur. D’abord pensée comme une thérapie, la série se transforme rapidement en une œuvre universelle, tentant d’interroger les notions d’identité et de relations. « C’est pour cette raison que j’ai choisi de la publier », affirme Simon Lehner.
Les souvenirs et fantasmes d’un enfant
C’est à la manière d’un enfant que l’artiste a développé son récit. Une histoire aux frontières de l’imaginaire, empruntant aux passe-temps insouciants de la jeunesse. « Les jeux vidéo font autant partie de l’univers enfantin que des dessins sur une feuille de papier », rappelle l’auteur. Sur les clichés, le garçon symbolise une certaine vulnérabilité, face au temps qui passe comme aux épreuves restant à affronter. La grotte, elle, devient une cachette aussi rude que rassurante. « Elle pourrait également représenter l’amour de ma mère », ajoute-t-il. En réponse à ces mises en scène, quelques dessins numériques recomposent son père. Une manière pour le photographe d’imiter sa présence, en se servant d’anciens portraits de lui pour le faire apparaître sans avoir à le rencontrer de nouveau.
Comme à tâtons, Simon Lehner crée un espace intime, où réel et fiction se mêlent. Un lieu à part, regroupant les souvenirs et fantasmes d’un enfant, mais aussi la maturité d’un homme en proie aux questionnements. « Nous suivons ici l’histoire d’un personnage aux premières lignes d’un combat entre deux armées opposées – le père et la mère », précise-t-il. Face à cette épreuve difficile, le retrait dans un monde chimérique devient finalement l’unique option. Une représentation sensible d’un drame ordinaire.
© Simon Lehner