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Photographe et journaliste, Noémie de Bellaigue capture des récits intimes à travers ses images, tissant des liens avec celles et ceux qu’elle photographie. De Beyrouth au Bénin, son travail explore les identités, les fractures sociales et les résistances. Nous lui avons posé quelques questions.
Noémie de Bellaigue a fait de l’image un prolongement de son écriture. Après des études de lettres, elle s’installe à Beyrouth en 2018, avant de poser ses valises à Berlin tout en gardant un lien étroit avec le Liban. Son travail documentaire s’ancre dans une approche intime, née de rencontres et de relations de confiance. À travers ses séries, elle capte des fragments de réalités souvent invisibilisées : le quotidien des jeunes filles d’un internat au Bénin, les conséquences des discriminations au Sri Lanka ou encore les fractures sociales du littoral libanais. Son regard, à la fois esthétique et engagé, s’attache aux détails, aux textures et aux histoires humaines. Alors qu’elle prépare un livre sur Les Filles de Kandi avec les Éditions Polygone, elle poursuit son exploration des identités peules au Bénin et s’intéresse aux contrastes du paysage libanais. Son travail, marqué par une sensibilité aux injustices et aux récits biaisés, interroge les marges et les résistances dans un monde en perpétuelle mutation.
Fisheye : Peux-tu te présenter et décrire ton parcours ?
Noémie de Bellaigue : J’ai grandi dans un petit village en bord de mer, dans le Calvados, auquel je suis très attachée. Après des études de lettres, je suis arrivée à Beyrouth début 2018 pour la fin de mon master. J’ai commencé à travailler dans un journal local, tout en me lançant comme journaliste indépendante. Je vis depuis deux ans à Berlin et je me rends régulièrement au Liban puisqu’une partie de ma vie s’y trouve toujours : la famille du père de mon fils et des ami·es cher·ères. Je fais de la photographie depuis ces dernières années – elle me permet de m’exprimer là où mes mots s’arrêtent.
Que recherches-tu à mettre en lumière dans tes séries documentaires ?
Jusqu’à présent, ce sont plutôt les sujets qui sont venus naturellement à moi. Si certaines séries traitent de thèmes précis auxquels je suis sensible, d’autres sont plus vastes. Ma série Liban hors cadre compile des images réalisées au Liban depuis 2018. C’est un mélange d’éléments qui arrêtent mon œil : des détails, des textures, des couleurs, des silhouettes et quelques visages.
Au Sri Lanka, j’ai abordé des thématiques plus spécifiques, comme l’exploitation des travailleuses du thé, les violences conjugales ou encore les fortes répercussions subies par la communauté musulmane. Pour The Relinquished, je me trouvais sur la plage de Weligama, au sud du Sri Lanka, une ville côtière où la communauté musulmane est importante. Ce soir-là, de nombreuses familles y partageaient au coucher du soleil un moment empreint d’une grande liberté. J’ai rencontré une mère de famille avec laquelle j’ai réussi à tisser un lien. Et c’est par ce lien que m’est venue l’envie de raconter ce que vivent ces familles. Mes sujets naissent souvent d’une relation nouée, d’une façon ou d’une autre, avec une ou plusieurs personnes qui me font confiance pour les photographier. C’est peut-être l’élément le plus important de mon approche.
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Quelle est l’histoire derrière la série Les Filles de Kandi ?
Cette série est particulière, car je l’ai réalisée dans un cadre très personnel. J’ai découvert ce lieu grâce à ma mère, en 2016. Elle a créé une association au Bénin en 2002, à travers laquelle elle a notamment mis en place un système de parrainage pour soutenir la scolarité des jeunes filles de cet internat. C’est donc un endroit où je me rends presque tous les ans depuis.
J’ai passé pas mal de temps avec ces jeunes femmes. On a appris à se connaître et, de fil en aiguille, j’ai commencé à raconter, par la photographie, leur quotidien dans cet internat où toutes leurs histoires individuelles se mêlent et s’entremêlent. Cette série parle également de ce que représente ce lieu : une bulle privilégiée et protégée où elles sont accompagnées dans leurs études. C’est important, car elles sont quelquefois les seules de leur fratrie à pouvoir être scolarisées.
Tu as beaucoup photographié au Liban, notamment après l’explosion du 4 août 2020. Quel est ton rapport avec ce pays et son actualité ?
J’ai eu la chance d’y vivre un peu avant l’effondrement : la crise de fin 2019, puis l’explosion du port en août 2020. J’y ai photographié les manifestations qui ont commencé le 17 octobre 2019 et avaient repris un peu après l’explosion pour demander une justice qui se fait encore attendre. Je passe souvent du temps à Tripoli, au nord du pays, une ville que j’aime particulièrement, où je retourne pour revoir des personnes que j’ai pu y rencontrer. En bref, quand je ne suis pas au Liban, je compte les jours avant d’y être ; et quand j’y suis, je m’en nourris autant que je le peux.
Les derniers mois ont été particulièrement douloureux pour les Libanais·es ; pour celles et ceux loin de leur pays aussi. À titre personnel, le début de la guerre d’Israël-Gaza m’a profondément marquée, comme ce qui s’est passé et se passe toujours en ce moment même au Liban et en Palestine. Comment rester neutre devant tant d’injustice ?
Quels sont tes prochains sujets ?
Je cherche à approfondir ma série Couleur Peule débutée en 2021 et qui porte sur les communautés de l’ethnie peule au nord du Bénin : leur esthétique et leurs histoires, ici encore, multiples. Anciens nomades, leur mode de vie a profondément évolué depuis un siècle. Ces familles tentent désormais de vivre au sein de la société, sans pour autant se laisser dissoudre dans celle-ci, préservant ainsi leur identité, leurs valeurs et leurs traditions.
Au Liban, j’ai commencé à travailler sur le littoral et les fractures sociales qu’il révèle. De premières images ont été réalisées à une quinzaine de kilomètres au nord de Beyrouth depuis différents points de vue. Je m’intéresse à la dimension métaphorique de telles ambivalences, de ce que ce jeu de miroir parvient à raconter.
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