Aux Rencontres d’Arles, les photographes revisitent l’art du portrait. Ann Ray photographie Lee McQueen, directeur artistique de Givenchy, William Wegman habille ses braques de Weimar avec style, et Wiktoria Wojciechowska capture les visages tourmentés des combattants de la guerre en Ukraine. Retour sur les portraitistes les plus marquants des Rencontres.
1.Dans les coulisses de Givenchy
fait la connaissance de Lee Alexander McQueen alors qu’il vient d’être nommé directeur artistique de Givenchy, en 1996. C’est du point de vue d’une amie – une amie proche, qui suit le grand couturier jusqu’à sa mort en 2010 – que la photographe capture l’homme derrière son empire et présente ses Inachevés. Dans le grand espace de l’Atelier des Forges, les clichés d’Ann apparaissent comme des souvenirs, des portes menant vers le passé. Si les défilés sont présents, le créateur apparaît aussi, tantôt insolent, tantôt touchant. Dans un univers de luxe et de paillettes, la photographe prend le temps d’immortaliser l’instant et de s’immiscer dans les coulisses, loin des projecteurs. Elle se rapproche alors de l’intimité d’un homme surnommé « l’enfant terrible de la mode », un homme qu’elle célèbre, dans ses prises de risque et dans son approche visionnaire de la haute couture. Parmi les photographies en noir et blanc, la couleur éclate parfois, forte et implacable, à l’image de Lee McQueen. Un rouge qui rappelle la passion, l’amour et la colère. Des portraits qui dévoilent un univers à la fois chic et poétique.
© Ann Ray
2.Exercice de style
Artiste aux talents multiples, William Wegman aime placer ses canidés – des braques de Weimar – au cœur de son art. Il signe cette année la couverture des Rencontres d’Arles avec un portrait insolite. L’exposition Être humain, qui se tient au Palais de l’Archevêché, surprend. Si l’homme est absent des photographies polaroïd grand format, les expressions de ses braques sont pourtant étrangement humaines. Tantôt fiers, tantôt timides, les modèles subliment les différents décors proposés par le photographe. Car William rend hommage aux courants picturaux et architecturaux dans ses créations. Minimalisme, art déco, cubisme, fauvisme (un courant pictural proche de l’expressionnisme, reconnaissable par ses couleurs vives) ou encore colourfield paintings (des aplats de couleurs effaçant toute notion d’arrière plan) , ses portraits reflètent l’extravagance ou la pudeur des tendances du passé. Avec une grande intelligence, le photographe place ses animaux comme un peintre, ou un couturier le ferait. Un exercice de style ludique qui teste notre culture artistique.
© William Wegman
3.Regards sur la guerre
À Ground Control, la Galerie Confluence de Nantes représente la photographe polonaise Wiktoria Wojciechowska. Nous avions déjà remarqué les clichés poignants de cette jeune artiste lors de la 47e édition des Rencontres. Affichés sobrement sur les murs de la salle, les portraits de ces soldats attirent l’œil. Sobres et mélancoliques, les visages sont fermés, comme pour se préserver des horreurs du conflit. La guerre en Ukraine passe relativement inaperçue en Europe de l’Ouest, et Sparks nous rappelle avec gravité que les tensions existent bel et bien. « Ces soldats sont allés se battre en baskets, en s’équipant d’armes volées dans des musées. Ils ont abandonné leur identité : qu’ils soient philosophes, mécaniciens, astronomes, DJs, banquiers… aucun d’eux n’était préparé à la réalité du combat », explique Wiktoria. Si peu de textes accompagnent les clichés, les regards de ces hommes sont d’une éloquence rare. Un projet à (re)découvrir absolument durant ces Rencontres.
© Wiktoria Wojciechowska
Et côté off ?
Le festival Voies Off a proposé, durant la semaine d’inauguration des Rencontres d’Arles un grand nombre d’événements. Parmi ceux-ci, le collectif Myop et Fotohaus, un projet de ParisBerlin>Fotogroup se sont démarqués. Si les expositions se sont terminées le 8 juillet, les portraits d’Olivier Monge et de Holger Biermann restent en mémoire.
Le photographe français Olivier Monge présentait, au sein de Myop, une série de portraits au bord de la mer. Dans la salle dédiée au travail du photographe, rue du cloître, la maîtrise des couleurs, et la variété des corps attirent l’attention. Dans un univers tout en contraste, les images apparaissent comme des instants spontanés, volés au cours d’une journée à la plage, des portraits faisant l’éloge des différences.
ParisBerlin>Fotogroup pose à nouveau ses valises dans sa Fotohaus. En grand format, les portraits réalisés par Holger Biermann sont impressionnants. Son modèle, Karolina, captive l’artiste tout autant que les visiteurs. « Je l’ai rencontrée une nuit d’été à Berlin », confie Holger. « Elle a éveillé mon attention par son apparence, sa tenue, et sa manière d’être en général ». Sensuelle, mystérieuse et délurée, Karolina trône dans cette salle d’Arles dans toute sa splendeur. Une virée dans son quotidien singulier.
© Olivier Monge / Myop
© Holger Biermann / ParisBerlin>fotogroup