Rencontres d’Arles : les portraits inoubliables

16 juillet 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Rencontres d'Arles : les portraits inoubliables

Aux Rencontres d’Arles, les photographes revisitent l’art du portrait. Ann Ray photographie Lee McQueen, directeur artistique de Givenchy, William Wegman habille ses braques de Weimar avec style, et Wiktoria Wojciechowska capture les visages tourmentés des combattants de la guerre en Ukraine. Retour sur les portraitistes les plus marquants des Rencontres.

1.Dans les coulisses de Givenchy

Ann Ray

fait la connaissance de Lee Alexander McQueen alors qu’il vient d’être nommé directeur artistique de Givenchy, en 1996. C’est du point de vue d’une amie – une amie proche, qui suit le grand couturier jusqu’à sa mort en 2010 – que la photographe capture l’homme derrière son empire et présente ses Inachevés. Dans le grand espace de l’Atelier des Forges, les clichés d’Ann apparaissent comme des souvenirs, des portes menant vers le passé. Si les défilés sont présents, le créateur apparaît aussi, tantôt insolent, tantôt touchant. Dans un univers de luxe et de paillettes, la photographe prend le temps d’immortaliser l’instant et de s’immiscer dans les coulisses, loin des projecteurs. Elle se rapproche alors de l’intimité d’un homme surnommé « l’enfant terrible de la mode », un homme qu’elle célèbre, dans ses prises de risque et dans son approche visionnaire de la haute couture. Parmi les photographies en noir et blanc, la couleur éclate parfois, forte et implacable, à l’image de Lee McQueen. Un rouge qui rappelle la passion, l’amour et la colère. Des portraits qui dévoilent un univers à la fois chic et poétique.

© Ann Ray© Ann Ray

© Ann Ray

2.Exercice de style

Artiste aux talents multiples, William Wegman aime placer ses canidés – des braques de Weimar – au cœur de son art. Il signe cette année la couverture des Rencontres d’Arles avec un portrait insolite. L’exposition Être humain, qui se tient au Palais de l’Archevêché, surprend. Si l’homme est absent des photographies polaroïd grand format, les expressions de ses braques sont pourtant étrangement humaines. Tantôt fiers, tantôt timides, les modèles subliment les différents décors proposés par le photographe. Car William rend hommage aux courants picturaux et architecturaux dans ses créations. Minimalisme, art déco, cubisme, fauvisme (un courant pictural proche de l’expressionnisme, reconnaissable par ses couleurs vives) ou encore colourfield paintings (des aplats de couleurs effaçant toute notion d’arrière plan) , ses portraits reflètent l’extravagance ou la pudeur des tendances du passé. Avec une grande intelligence, le photographe place ses animaux comme un peintre, ou un couturier le ferait. Un exercice de style ludique qui teste notre culture artistique.

© William Wegman© William Wegman

© William Wegman

3.Regards sur la guerre

À Ground Control, la Galerie Confluence de Nantes représente la photographe polonaise Wiktoria Wojciechowska. Nous avions déjà remarqué les clichés poignants de cette jeune artiste lors de la 47e édition des Rencontres. Affichés sobrement sur les murs de la salle, les portraits de ces soldats attirent l’œil. Sobres et mélancoliques, les visages sont fermés, comme pour se préserver des horreurs du conflit. La guerre en Ukraine passe relativement inaperçue en Europe de l’Ouest, et Sparks nous rappelle avec gravité que les tensions existent bel et bien. « Ces soldats sont allés se battre en baskets, en s’équipant d’armes volées dans des musées. Ils ont abandonné leur identité : qu’ils soient philosophes, mécaniciens, astronomes, DJs, banquiers… aucun d’eux n’était préparé à la réalité du combat », explique Wiktoria. Si peu de textes accompagnent les clichés, les regards de ces hommes sont d’une éloquence rare. Un projet à (re)découvrir absolument durant ces Rencontres.

© Wiktoria Wojciechowska© Wiktoria Wojciechowska
© Wiktoria Wojciechowska© Wiktoria Wojciechowska

© Wiktoria Wojciechowska

Et côté off ?

Le festival Voies Off a proposé, durant la semaine d’inauguration des Rencontres d’Arles un grand nombre d’événements. Parmi ceux-ci, le collectif Myop et Fotohaus, un projet de ParisBerlin>Fotogroup se sont démarqués. Si les expositions se sont terminées le 8 juillet, les portraits d’Olivier Monge et de Holger Biermann restent en mémoire.

Le photographe français Olivier Monge présentait, au sein de Myop, une série de portraits au bord de la mer. Dans la salle dédiée au travail du photographe, rue du cloître, la maîtrise des couleurs, et la variété des corps attirent l’attention. Dans un univers tout en contraste, les images apparaissent comme des instants spontanés, volés au cours d’une journée à la plage, des portraits faisant l’éloge des différences.

ParisBerlin>Fotogroup pose à nouveau ses valises dans sa Fotohaus. En grand format, les portraits réalisés par Holger Biermann sont impressionnants. Son modèle, Karolina, captive l’artiste tout autant que les visiteurs. « Je l’ai rencontrée une nuit d’été à Berlin », confie Holger. « Elle a éveillé mon attention par son apparence, sa tenue, et sa manière d’être en général ». Sensuelle, mystérieuse et délurée, Karolina trône dans cette salle d’Arles dans toute sa splendeur. Une virée dans son quotidien singulier.

© Olivier Monge / Myop

© Olivier Monge / Myop

© Holger Biermann© Holger Biermann
© Holger Biermann© Holger Biermann

© Holger Biermann / ParisBerlin>fotogroup

Explorez
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Oxalis (détail), 2024 © Pooya Abassian
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Lee Ufan Arles et la Maison Guerlain ont annoncé hier, à la Guerlain Academy, le nom du troisième lauréat de leur prix Art &...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #527 : l'être-nature
© Tetsuo Kashiwada / Instagram
La sélection Instagram #527 : l’être-nature
Trop souvent l’être humain s’est pensé extérieur au monde naturel. Capitalisme et mondialisation en sont en partie responsables. Si la...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
InCadaqués 2025 : des images entre le vent et la mer
The Wave, Jamaica, 2013 © Txema Yeste, courtesy of Galería Alta
InCadaqués 2025 : des images entre le vent et la mer
Du 9 au 26 octobre 2026, le village côtier de Cadaqués, en Catalogne, devient le théâtre du monde de l’image. Quarante photographes, en...
03 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Photoclimat 2025 : la photographie au service de l’environnement
© Juliette-Andréa Élie / Fondation Avril
Photoclimat 2025 : la photographie au service de l’environnement
Jusqu’au 12 octobre 2025, la 3e édition de la biennale Photoclimat prend ses quartiers à Paris. De la place de la Concorde à celle de...
27 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Voyage au centre de la terre brésilienne
Périphérie de São Paulo, 2020 @Vincent Catala
Voyage au centre de la terre brésilienne
Comment représenter un pays de façon juste et nuancée, loin des clichés véhiculés autour de ce dernier ? L’impressionnant Île-Brésil de...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Prix Photographie & Sciences : Julien Lombardi et Richard Pak exposent à la Villa Pérochon
Inframundo, de la série Planeta, 2024 © Julien Lombardi
Prix Photographie & Sciences : Julien Lombardi et Richard Pak exposent à la Villa Pérochon
Du 11 octobre 2025 au 21 février 2026, la Villa Pérochon devient théâtre de sciences, présentant les travaux de Julien Lombardi, lauréat...
10 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
15 séries qui célèbrent l'automne
15 séries qui célèbrent l’automne
Le soleil se fait de plus en plus discret, les feuilles commencent doucement à changer de couleur, quitter sa couette le matin se fait de...
09 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Flore Prébay : De deuil et de papier
Iceberg, de la série Deuil blanc © Flore Prébay
Flore Prébay : De deuil et de papier
Du 16 octobre au 30 novembre 2025, la Fisheye Gallery présente Deuil blanc, de Flore Prébay, dans le cadre des Rencontres photographiques...
09 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger