
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu’au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27 septembre 2026, propose la première rétrospective de cette photographe encore méconnue. Sur près de quarante ans, entre la France et les États‑Unis, elle a suivi les gestes ordinaires, les existences fragiles et les lieux en voie de disparition. De Paris à Poilley, puis dans le Maine, ses images témoignent d’une fidélité aux personnes rencontrées, offrant un parcours sensible où mémoire et quotidien se répondent.
Présentée au Château de Tours en 2025, puis au Jeu de Paume, à Paris, en 2026, Madeleine de Sinéty. Une vie constitue la première grande rétrospective consacrée à cette photographe longtemps restée dans l’ombre. Le parcours déroule près de quarante années de travail entre la France et les États-Unis, révélant une œuvre d’une grande cohérence : attentive aux gestes du quotidien qui se font rares, aux existences fragiles et aux lieux promis à l’effacement. Organisé de manière chronologique, il éclaire sa démarche qui repose sur l’immersion, la proximité et la fidélité aux personnes rencontrées. L’exposition s’ouvre sur le Paris du début des années 1970, mais une partie de relief est consacrée à la décennie qu’elle passe à Poilley, en Ille-et-Vilaine, où elle s’établit en 1972. Le dernier chapitre conduit le visiteur dans le Maine, où la photographe s’installe en 1985. Elle y devient la chroniqueuse d’une communauté soudée, filmant mariages, remises de diplôme et rituels collectifs. À travers ces différents ensembles, l’exposition révèle un geste constant, celui de préserver la mémoire des existences qui traversent les mondes silencieusement et disparaissent souvent sans laisser de trace. Madeleine de Sinéty leur redonne un visage, avec une tendresse et une précision qui constituent la force profonde de son œuvre.


Une existence guidée par le désir de témoigner
Née en 1934 au château de Valmer, dans la vallée de la Loire, Madeleine de Sinéty grandit dans une famille aristocratique désargentée où la vie rurale marque déjà son imaginaire. Après des études aux Arts décoratifs, elle travaille plusieurs années comme dessinatrice de mode avant de rencontrer, à la fin des années 1960, le journaliste américain Daniel Behrman. C’est avec lui qu’elle achète son premier appareil photo, découvrant dans ce médium un moyen instinctif de saisir ce qui l’émeut. La photographie devient rapidement son outil, à la fois simple et direct, pour rendre visibles des mondes souvent ignorés.
Ses premières images prennent forme dans le Paris des années 1970. Elle documente la démolition du quartier du Montparnasse et fixe les rues populaires, les ateliers d’artistes et les cafés ouvriers en voie de disparition. La série Paris démoli révèle un regard déjà très singulier, ancré dans le quotidien, attentif aux gestes modestes et aux enfants qui jouent dans les rues pavées. Dans ces mêmes années, aux côtés de Daniel Behrman, elle photographie les derniers trains à vapeur. La série Vapeurs témoigne de sa proximité avec les cheminots et de sa sensibilité presque organique à la matière du travail, aux flammes et aux tourbillons de fumée des locomotives.
En 1972, un détour par le village de Poilley transforme durablement sa vie. Elle s’y installe pour dix ans, partage les travaux agricoles et s’intègre à une vingtaine de familles. L’ensemble Un village, qui réunit plus de 50 000 images, constitue son œuvre majeure. Elle y décrit un monde rural encore rythmé par les saisons et les bêtes, montrant la mort du cochon, les récoltes, les fêtes et l’intimité des maisons. Rien n’est posé, tout est accompagné d’une confiance patiemment construite.
En 1985, elle s’installe à Rangeley, dans le Maine. Elle y devient la photographe de la communauté, documentant mariages, rituels locaux et scènes ordinaires. Ses images en noir et blanc, plus sobres, prolongent la même attention à la dignité des vies simples. Ces différents ensembles, Paris démoli, Vapeurs, Un village, Rangeley, incarnent les étapes d’une existence guidée par le désir de témoigner. L’exposition révèle ainsi la continuité de son geste, celui de préserver les traces des vies ordinaires et des mondes fragiles que l’histoire menace souvent d’effacer.



