Reza Deghati, photojournaliste de profession, pose ses valises à Vannes jusqu’au 24 septembre pour son exposition L’épaisseur du silence. L’artiste se dévoile en toute intimité, dans des clichés aussi touchants que percutants.
Connu pour ses images de guerre, Reza Deghati arpente le monde depuis plus de trente ans. Appareil photo en mains, il a sillonné des centaines de pays figeant dans son objectif les confits et catastrophes humaines. Mais pour son exposition L’épaisseur du silence, il a choisi de mettre en avant des clichés plus intimes. « Je photographie tout le temps, tous les jours, c’est une façon pour moi de respirer. Toutes les photos qui ne sont pas journalistiques restent dans mes archives, il était temps qu’elles sortent », confie l’artiste.
C’est une cinquantaine de clichés – certains datant des années 1970 – qui trouvent leur place dans l’exposition L’épaisseur du silence. Ce titre, pas choisi au hasard, est le reflet de sa manière de travailler, « je suis un marcheur qui, lorsqu’il tombe sur une chose qui l’attire, se fige des minutes voire des heures et photographie enfin. Je me coupe complètement de ce qui m’entoure dans ces moments », confie Reza Deghati. S’isoler pour mieux raconter, voilà donc la base de son œuvre.
Pour l’artiste, son travail présente différentes facettes, « celles de Reza photographe de guerre et l’autre, des images plus personnelles ». Ces dernières sont le fruit des pérégrinations de l’artiste qui aime à raconter à travers le langage universel de la photographie l’ Humanité sous toutes ses formes. De ses côtés les plus sombres à ceux qui nous montrent la quintessence de ce que l’Homme peut être, Reza Deghati dénonce et témoigne des injustices dont il est l’un des témoins privilégiés. « Le monde est mon champ de vision. De la guerre à la paix, de l’ineffable aux instants de poésie, mes images se veulent des témoignages de notre humanité sur les routes du monde ».
L’artiste derrière le journaliste
13 ans. C’est à cet âge que le jeune Reza Deghati commence à se passionner pour la photographie. Touché par son environnement, par ce qu’il estime beau mais aussi par l’injustice sociale, c’est face à la surdité des adultes qu’il va être confronté, l’obligeant à trouver un moyen d’expression plus efficace. « J’essayais d’interpeler les grand·es qui ne prêtaient pas vraiment attention à ce que je disais. Il m’est venu à l’idée que mes mots ne devaient pas être suffisants, que si j’arrivais à montrer les images de ce que je trouvais beau ou injuste, peut-être qu’on m’entendrait », témoigne l’artiste. Cette soif de justice le conduira à être, à plusieurs reprises, confronté aux autorités iraniennes – pays d’origine duquel il a dû s’exiler –. Passé par la case prison, Reza Deghati n’a jamais dérogé à ses convictions et des années après, l’enfant terrible d’Iran continue de s’exprimer et de dénoncer.
« Chacun regarde le monde à travers ses filtres, son éducation. Ce qui m’intéresse c’est l’humanité, les êtres humains et leur relation avec leur environnement. Dans ces trente années de photo de guerre, j’ai aussi pu apprécier la résilience incroyable qui existe dans l’Homme », une résilience qu’il semble lui-même porter. Architecte de formation, cela nourrit son travail dans une vision d’ensemble plus large et sensible. Il saisit les « à côté », la beauté dans la laideur, « en 2020, j’étais en Azerbaïdjan lors de la guerre contre l’Arménie, j’ai entendu que dans un village non loin, un missile était tombé et j’ai découvert un enfant mort dont le corps était déchiqueté. Sa mère l’avait envoyé chercher des fruits parce que, malgré la guerre, la vie continue. Je me suis coupé du monde et j’ai photographié le sang sur les feuilles, le contraste entre le vert et le rouge, je trouvais que cela illustrait bien la scène ». Cette image – présente dans l’exposition L’épaisseur du silence – résume le photographe qu’est Reza Deghati : il y a l’Humain, son environnement et le lien entre les deux.