Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5 janvier, le premier volet de ce projet, La firme, consacré à l’île Tristan da Cunha, un « confetti perdu au bout de l’Atlantique Sud ».
Le photographe Richard Pak définit l’île comme « le lieu médian entre l’inconnu et le connu ». Du mot « île » dérive le verbe « isoler », qui veut dire « séparer comme une île (isola) ». Dans son cycle Les îles du désir, il se penche donc sur ces espaces liminaux que sont ces bouts de terre qui façonnent la nature et celles et ceux qui y habitent.
Le premier volet de ce grand travail est présenté au Château d’Eau à Paris. Il s’agit de la série La firme, dédiée à Tristan da Cunha, îlot volcanique situé dans l’Atlantique Sud, à 2 771 km de l’Afrique du Sud et à 3 223 km du Brésil. La terre la plus proche est l’île de Sainte-Hélène, à 2 418 km au nord-nord-est. Avec ses 96 km2 de superficie, le territoire culmine à 2 062 mètres. Avec un regard de photographe, et non pas celui d’un sociologue, d’un ethnologue ou d’un anthropologue, il décrit l’île avec douceur et curiosité. « Aller à Tristan da Cunha tient de la gageure ; certain·es attendent plus de deux ans. Il faut d’abord obtenir l’autorisation du conseil de l’île. Ensuite il faut trouver une place sur un des quelques bateaux de pêche qui la desservent, explique le photographe. Quand l’archipel est enfin en vue, après huit jours de navigation jusqu’au seuil des quarantièmes rugissants, la météo doit être assez clémente pour décharger cargaison et passager·es, ce qui n’est jamais garanti. »
Une anthologie consacrée à l’insularité
La série La Firme est le premier chapitre d’une anthologie photographique consacré à l’insularité. Richard Pak décide de la commencer par cette île dans laquelle il s’est rendu en 2016 pendant trois mois, en cohabitant avec les quelques 200 habitant·es qui y demeurent. Cet îlot au nom portugais, attribué par le navigateur l’ayant découvert, est en réalité une colonie de la Grande-Bretagne. En 1816 un contrat est établi entre la couronne britannique et les ilien·nes. Y sont énoncés des principes de cohabitation communautaires, horizontale et autonome. La propriété privée n’existe pas, les terres sont collectivisées, il n’y a pas de gouvernement formel sur l’île, personne n’est autorisé à se proclamer chef·fe. La constitution de cette île sera prise en exemple par certains philosophes du 20e siècle tant son fonctionnement paraît révolutionnaire pour le monde Occidental.
Lorsqu’une éruption volcanique oblige les habitant·es à migrer en Grande-Bretagne, la monarchie espère qu’iels décideront de ne plus retourner sur l’île, un territoire qui n’a aucun intérêt stratégique et qui ne rapporte aucune richesse a l’empire. Et pourtant, nullement séduit·es par la modernité capitaliste, les Tristanais·es retourneront bien chez elleux. L’île apparaît alors comme un véritable mode de vie, l’insularité comme une condition de l’âme non-négociable. Un endroit de résistance et de protection face à la brutalité de certaines civilisations, un lieu où s’isoler et bâtir des mondes nouveaux et des écosystèmes durables.