Sandra Lazzarini disloque les canons de beauté

06 décembre 2022   •  
Écrit par Pablo Patarin
Sandra Lazzarini disloque les canons de beauté

L’autodidacte Sandra Lazzarini évoque, au travers d’œuvres métaphoriques et florales, le temps qui passe et la beauté des corps féminins de toutes générations. Une ode esthétique et engagée à l’acceptation de soi.

Comment représenter le corps féminin pour le libérer, et les canons esthétiques pour les dépasser ? Telle est le questionnement qui anime l’œuvre de Sandra Lazzarini, photographe italienne née en 1976. Après avoir obtenu un diplôme en restauration d’œuvres d’art en 2002, celle-ci exerce divers métiers, nourrissant en parallèle son affection pour la photographie, qui occupe aujourd’hui une grande part de son temps libre. Si l’art représente « son antidote contre l’usure de la vie quotidienne », elle immortalise justement le temps qui passe sur les corps féminins, de tous âges, avec une douceur et une bienveillance appuyée par son emploi de couleurs édulcorées. L’artiste se veut instinctive dans ses idées, mais « raisonnée » et réfléchie dans sa création, notamment en raison de son désamour de la post-production. Une fois l’obsession et la compulsion passée, la magie des couleurs, des formes et de l’esthétique prennent vie dans son regard : « je suis très pointilleuse et tout doit être parfait avant le clic », précise-t-elle. En ressortent des images aux compositions minutieuses et aux tons pastels, inspirées de son propre vécu et des injonctions subies par tant de femmes sur leurs propres corps. Outre René Magritte, ses influences sont  d’ailleurs principalement féminines, de la peintre Frida Kahlo à la cinéaste et photographe Agnès Varda, en passant par la reporter américaine surréaliste Lee Miller et sa compatriote Francesca Woodman, dont l’oeuvre est également marquée par la mise en scène de sa propre nudité.

© Sandra Lazzarini

« Trouver la beauté là où elle existe déjà »

C’est la femme sous toutes ses facettes, « avec ses poils, ses marques, ses tâches », que l’italienne entend sublimer. Elle trouve ainsi « la beauté là où elle existe déjà, afin de la mettre en valeur, la souligner et la rendre universelle. » C’est d’abord avec l’autoportrait que Sandra Lazzarini s’illustre. Elle se fond dans des décors rocheux ou forestiers, tournant à la dérision la sexualisation permanente des corps, pourtant part intégrante de la nature. En drapant son visage tout en conservant son corps nu, la photographe explore la négation de l’identité des femmes, tout en évoquant avec ironie la volonté de dissimuler seins, sexes et tétons dans la société contemporaine, à l’initiative masculine. Puis, au fil des modèles, ce sont des figures féminines diverses qui défilent devant son objectif. Une démarche qui l’aide aussi à s’accepter elle-même et à se réapproprier son corps, dans toutes ses prétendues imperfections : « photographier les femmes et leur singularité m’aide à faire la paix avec tout ce que je n’accepte pas chez moi, et la même chose peut être vraie pour celles qui décident de se tenir devant moi », explique-t-elle d’ailleurs.

L’association des êtres et de parties de leurs corps à des éléments floraux et fruitiers apporte également une originalité poétique, symbolique ou métaphorique à ses clichés. « J’aime créer des natures mortes, parfois émiettées, parfois avec des références inconscientes ou non à la sexualité », confie l’artiste. Ainsi, glissée entre la taille et les sous-vêtements, deux bananes évoquent ainsi les questions de poids et la prescription à la désirabilité subie par la gent féminine. De même, une courge fendue semble subitement représenter une vulve ensanglantée, confrontant les tabous avec humour, légèreté et engagement. Une note d’humour lui permettant de s’engager avec légèreté.

© Sandra Lazzarini

© Sandra Lazzarini

© Sandra Lazzarini

© Sandra Lazzarini

© Sandra Lazzarini

© Sandra Lazzarini

© Sandra Lazzarini

Explorez
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
© Carla Rossi
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
Dans son ouvrage Bellissima, publié par Art Paper Editions, Carla Rossi explore les désirs, les façades et les codes qui façonnent la...
03 décembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
5 événements photo à découvrir ce week-end
Rikka, la petite Balinaise, Fernand Nathan, Paris, 1956 © Dominique Darbois, Françoise Denoyelle.
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
29 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Affiche Pictorial Service rue de la Comete 1950 © Archives Picto
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Arrière-petit-fils de Pierre Gassmann, Victor Gassmann veille sur l’héritage de Picto, laboratoire emblématique qui a façonné le tirage...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
I Saw a Tree Bearing Stones in Place of Apples and Pears © Emilia Martin
Les images de la semaine du 17 novembre 2025 : portraits du passé et du présent
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye dépeignent différentes réalités. Certains puisent leur inspiration...
23 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Pour Noël, Tendance Floue organise une vente de tirages à moins de 70 euros
© Céline Croze / Tendance Floue
Pour Noël, Tendance Floue organise une vente de tirages à moins de 70 euros
Jusqu’au 10 décembre 2025, les membres de Tendance Floue vous proposent d’acquérir certaines de leurs œuvres grâce à une vente...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Kincső Bede : Déshéritée
© Kincső Bede
Kincső Bede : Déshéritée
Dans son livre Porcelain and Wool, Kincső Bede se réapproprie son identité transverse par des objets, des lieux et des tissus de la...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
© Carla Rossi
Bellissima : la fabrique des apparences par Carla Rossi
Dans son ouvrage Bellissima, publié par Art Paper Editions, Carla Rossi explore les désirs, les façades et les codes qui façonnent la...
03 décembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
© Laura Barth / Instagram
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine explorent la matérialité de la photographie. Du papier aux émulsions, en passant...
02 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger