« Scène » : la théâtralité d’Alex Majoli

04 mars 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Scène » : la théâtralité d’Alex Majoli

Le BAL accueille Scène, une exposition d’Alex Majoli, photographe d’origine italienne. Un projet influencé par le théâtre, un art qui transforme et dramatise notre quotidien.

Dans la salle d’exposition du BAL, Alex Majoli, photographe italien membre de l’agence Magnum, installe ses scènes. Affichées en grand format, les créations de l’auteur, sombres et énigmatiques, se déclinent, organisées par pays. Un spectacle étrange qui interroge. Qui sont ces personnages ? Sont-ils les acteurs d’une fiction, ou de leur propre vie ? « Alex Majoli et son assistant travaillent toujours de la même manière, explique Jeanne Poret, chargée de communication du BAL. Ils installent deux flashs lumineux, et se mettent au travail sans échanger la moindre parole avec leur sujet : 98 fois sur 100, les modèles ne cherchent pas à interagir avec Majoli. Ils oublient – ou font semblant d’oublier – la présence du photographe, et vivent les choses, inconsciemment, de manière plus intense. »

Congo, Égypte, Brésil, Inde, Chine et Europe, le photographe a parcouru le monde à la recherche de la théâtralité du quotidien. Shootées en noir et blanc, les images jouent avec l’obscurité pour n’illuminer que certains détails. La colère d’un manifestant, le désarroi d’un réfugié, ou le calme inquiétant d’un pub britannique, au lendemain du Brexit. « Le dispositif d’Alex Majoli place tout au même niveau : scènes du quotidien et moments tragiques, précise Jeanne Poret. Il donne à voir un certain état du monde. »

Fiction ou réalité ?

Si les influences du photographe sont multiples, la théâtralité dans l’art l’inspire particulièrement. Ses clichés évoquent les clairs-obscurs dramatiques de Caravage, qui jouait avec la lumière pour éclairer certaines actions et en dissimuler d’autres. La littérature russe, de Tolstoï et Dostoïevski, grandiose et nostalgique, a guidé le photographe dans ses mises en scène. « Il est également très influencé par le théâtre, notamment expérimental. Cela se ressent dans le choix de ses sujets et de son dispositif qui plonge ses photographies dans un monochrome qui opère une tension dramatique très forte », ajoute la chargée de communication.

Chaque pays se lit comme un acte, formant des blocs sombres sur les murs blancs du BAL. Si les images demeurent sublimes dans chaque destination, c’est la dernière partie de la pièce de théâtre, l’Europe, qui captive réellement l’audience. Une épopée plus longue que les autres – trente photographies – qui illustre une réalité triste et violente. Le spectateur observe d’abord l’ensemble, un mélange mystérieux, éclairé çà et là par un sujet, un accessoire. Pourtant, lorsque le regard s’arrête sur ces points lumineux, la magie opère. Fiction ou réalité ? Vérité poignante ou fantasmée ? Le souffle dramatique déforme le quotidien et transforme l’histoire européenne en art. « Alex Majoli interroge la frontière entre réalité et fiction. Il nous pousse à réenvisager la notion de réalisme », conclut Jeanne Poret. Un spectacle passionnant.

 

Scène, Alex Majoli

Le BAL, 6 impasse de la Défense, Paris 18

Jusqu’au 28 avril 2019

© Alex Majoli / Magnum Photos © Alex Majoli / Magnum Photos

© Alex Majoli / Magnum Photos© Alex Majoli / Magnum Photos

© Alex Majoli / Magnum Photos

© Alex Majoli / Magnum Photos© Alex Majoli / Magnum Photos

© Alex Majoli / Magnum Photos© Alex Majoli / Magnum Photos

© Alex Majoli / Magnum Photos

Explorez
Correspondances artificielles : Brea Souders se confie à une IA
© Brea Souders
Correspondances artificielles : Brea Souders se confie à une IA
S’intéressant à l’IA et à son évolution depuis plusieurs années, Brea Souders développe une fascination pour les chatbots et « les...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #421 : le temps des parapluies
© JoyZ Kwok/ Instagram
La sélection Instagram #421 : le temps des parapluies
Alors que le temps est aux bottes en caoutchouc et aux manteaux imperméables, notre sélection instagram #421 sort les parapluies !
26 septembre 2023   •  
Écrit par Lucie Guillet et Milena Ill
Rolling Paper #5 : les rêves éveillés de Francesco Merlini
© Francesco Merlini
Rolling Paper #5 : les rêves éveillés de Francesco Merlini
Dans "Better in the Dark than His Rider", Francesco Merlini dévoile un récit visuel intime et universel sur l’endormissement et les...
25 septembre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Ee don tehm foh eat : À table, avec Ngadi Smart
© Ngadi Smart
Ee don tehm foh eat : À table, avec Ngadi Smart
Les œuvres de Ngadi Smart, révélatrices d’une multitude de couleurs et d’un certain goût pour le surréalisme, impressionnent. À...
23 septembre 2023   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Fisheye vous invite gratuitement au Salon de la Photo 2023 !
© Lucie Hodiesne Darras
Fisheye vous invite gratuitement au Salon de la Photo 2023 !
Pour cette rentrée 2023, Fisheye invite amateurices et passionné·es à venir à l’immanquable Salon de la Photo ! Vous pourrez y découvrir...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Milena Ill
Correspondances artificielles : Brea Souders se confie à une IA
© Brea Souders
Correspondances artificielles : Brea Souders se confie à une IA
S’intéressant à l’IA et à son évolution depuis plusieurs années, Brea Souders développe une fascination pour les chatbots et « les...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Focus #58 : Paola Paredes et la brutalité des thérapies de conversion
06:21
© Fisheye Magazine
Focus #58 : Paola Paredes et la brutalité des thérapies de conversion
C’est l’heure du rendez-vous Focus de la semaine ! Cette semaine, Paola Paredes revient sur Until You Change. Dans cette série, la...
27 septembre 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Verzasca Foto Festival : la jeunesse comme terrain de liberté
© Mariam Mtsariashvili
Verzasca Foto Festival : la jeunesse comme terrain de liberté
Jusqu’au 7 octobre, le festival Verzasca Foto Festival accueille des jeunes photographes internationaux·les dans un cadre bucolique, où...
27 septembre 2023   •  
Écrit par Costanza Spina