Depuis son atelier lillois, Thomas Berthier a imaginé Vingtquatre, série à travers laquelle il décline des images fragmentées qu’il recompose ensuite par le biais de la sérigraphie. Au cœur de ses tableaux semble s’infuser un souvenir qui s’étiole et s’exprime de bien des façons.
« La sérigraphie fait réagir tout le monde, car elle a un aspect magique », commence Thomas Berthier. C’est au cours d’études de graphisme aux Arts Décoratifs de Strasbourg que l’artiste découvre ce procédé d’impression. Fruit d’une technique précise, ce dernier nécessite une trame de soie qui s’imposera, dès lors, comme celle de sa pratique créative. Animé par cette passion grandissante, en 2017, il ouvre l’Atelier Kencre aux côtés de son frère. Là-bas, il reproduit des tirages pour des artistes qui l’inspirent au quotidien et développe Vingtquatre dans ce prolongement. La série cristallise une profusion d’instants d’existence, saisis au gré de ses pérégrinations, qu’il recompose par la suite dans d’étonnantes mosaïques. « Chaque carré a sa propre vie, son histoire, sa texture », explique notre interlocuteur. Chaque ensemble joue avec le flou et la décomposition des images jusqu’à l’abstraction, donnant à voir « une multitude de mondes indépendants ».
Un jeu sur le trouble
Altérés par « une dégradation volontaire », ce puzzle de fragments monochromes s’apparente aux souvenirs que déforme le temps. Certains, parées de teintes sépia, semblent venus d’une lointaine époque quand d’autres, aux nuances vertes, affichent des airs surnaturels. Quelquefois, des halos de lumières fluorescentes éclairent certains détails ou réminiscences dans l’obscurité d’une mémoire incertaine qui tente de se rappeler par trois fois. Expérimentale, chaque œuvre se décline en triptyque, proposant autant d’ambiances différentes. Un impression de déjà-vu émerge alors, esquissant les contours d’une variation sur le même thème ou d’une tout autre réalité. « C’est un jeu sur le trouble, qui consiste à perdre celui ou celle qui regarde dans des lectures énigmatiques. Cela permet d’ouvrir plus de champs d’interprétations », étaye Thomas Berthier. De chacune des mosaïques se dégage ainsi une sensibilité singulière qui trouve écho dans notre propre passé et ne manque pas de nourrir nos imaginaires…
© Thomas Berthier