« Street Paralysis » : un Paris endormi

29 avril 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Street Paralysis » : un Paris endormi

Balade dans les rues désertes de Paris avec Robert Hyde. Le photographe américain installé en France transforme la capitale en un espace fictif, aussi sombre qu’amusant. Street Paralysis, une série à explorer depuis chez soi.

« Le documentaire créatif ».

Telle est la spécialisation de Robert Hyde, un photographe américain établi à Paris depuis 2017. Sombres et insolites, ses projets prennent racine dans l’intime – motivés par un désir d’introspection. Un besoin de donner du sens à son univers que l’on retrouve dans Street Paralysis. « Paradoxalement, cette quarantaine me pousse à sortir et photographier la rue. Si j’ai découvert beaucoup de séries intéressantes réalisées en intérieur, j’ai besoin de me perdre dans les rues pour témoigner de l’anxiété qui habite actuellement Paris, explique l’artiste. Cette atmosphère singulière nourrit mon approche fantaisiste. »

Patient, Robert Hyde se fie à son intuition pour construire sa série. « Pourtant, je me dois de respecter certaines règles », précise-t-il. Une lumière particulière, une architecture dominante et un ciel absent paramètrent la ville devenue claustrophobe et asphyxiante. « Lorsque j’ai trouvé un endroit qui me convient, j’attends que quelqu’un sorte. Cela peut prendre des heures – et parfois personne ne vient », explique-t-il.

© Robert Hyde

Une réalité alternative

Cinématographiques, les images de Street Paralysis évoquent un Hopper lugubre et cynique. Clin d’œil à la paralysie du sommeil (un trouble du sommeil au cours duquel le sujet conscient se trouve dans l’incapacité d’effectuer tout mouvement volontaire), le titre de la série nous transporte dans une réalité alternative – celle d’un Paris figé, incapable d’échapper à la torpeur. « Je souhaitais également mettre en lumière l’étrange lucidité qui succède à ces paralysies. J’ai perdu connaissance à de nombreuses reprises lorsque j’avais une vingtaine d’années, et à chaque réveil, mon environnement me paraissait net et étrangement paisible – comme s’il était chargé d’une nouvelle énergie », raconte-t-il.

Aux frontières de la fiction, la série s’inspire des photographies de rue de Philip-Lorca DiCorcia, et des ambiances fantastiques et futuristes de Gregory Crewdson. Plongée dans la semi-obscurité, la capitale française devient un espace alternatif, et ouvre ses portes à la fiction. En jouant avec le mystère et l’humour, Robert Hyde construit un univers hypnotique, où les personnages comme les décors gardent de nombreux secrets. Véritables tableaux, les clichés figent les anonymes dans des postures singulières et brouillent les frontières entre mise en scène et spontanéité. « La plupart des gens étant masqués, il nous faut nous concentrer sur le langage corporel plutôt que l’expression faciale », précise le photographe. Inspiré par l’idée de « transition », Street Paralysis expose un espace en mutation, hors du réel et du temps.

© Robert Hyde

© Robert Hyde

© Robert Hyde© Robert Hyde

© Robert Hyde

© Robert Hyde© Robert Hyde

© Robert Hyde© Robert Hyde

© Robert Hyde

Explorez
Rebecca Najdowski : expérimentations et désastre écologique
© Rebecca Najdowski
Rebecca Najdowski : expérimentations et désastre écologique
Dans sa série Ambient Pressure, l’artiste Rebecca Najdowski nous invite à interroger le rôle du médium photographique dans notre...
18 décembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
La sélection Instagram #485 : livre de la jungle
© Janis Brod / Instagram
La sélection Instagram #485 : livre de la jungle
Les photographes de notre sélection Instagram de la semaine explorent la jungle, autant celle faite d’arbres et de fougères luxuriantes...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Le Festival du Regard fait sa zoothérapie
© Daniel Gebbhart de Koekkoek
Le Festival du Regard fait sa zoothérapie
À mesure que notre vie s’urbanise, nos liens avec les animaux s’étiolent. Il est temps d’y remédier. Grâce au travail d’une...
14 décembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Arktis : la dystopie polaire d’Axelle de Russé
© Axelle de Russé
Arktis : la dystopie polaire d’Axelle de Russé
Pendant huit ans, la photographe Axelle de Russé a suivi l’évolution du réchauffement climatique en Arctique, une réalité qui chaque jour...
12 décembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
© Rebecca Najdowski
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye dévoilent une multitude de dialogues initiés par la photographie.
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger