
Présentée cette année par Sorondo Projects (Barcelone) à Paris Photo, la série The Sacred Mountain de Suwon Lee raconte une quête d’apaisement à travers de vieilles cartes postales transformées en paysages méditatifs. À découvrir au Grand Palais du 13 au 16 novembre 2025.
« J’étais clouée au lit par une crise discale cervicale ; je ressentais une profonde nostalgie pour ma ville natale, Caracas, et sa majestueuse montagne, El Ávila, qui est à la fois boussole et refuge dans la nature pour tous les Caraqueños », raconte Suwon Lee. Dans l’impossibilité de rentrer et sans accès facile à la nature depuis Madrid – où elle vit désormais –, elle cherche un moyen de retrouver ce lien. « Je me suis alors souvenue d’une phrase de Francis Bacon (le philosophe, pas le peintre) : “Si la montagne ne vient pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne.” » Pour l’atteindre sans voyager, l’artiste commence à collectionner des cartes postales anciennes représentant des sommets sacrés et emblématiques du monde entier : l’Everest, le mont Blanc, le mont Shasta, le Teide… De là naît le sensible et délicat projet intitulé The Sacred Mountain.
« Ces images sont là, souvent oubliées, tandis que nous en produisons sans cesse de nouvelles, affirme-t-elle. Mon instinct est de les sauver, de leur donner une nouvelle vie. Leur douceur et leur manque de précision évoquent la texture de la mémoire, où les souvenirs lointains restent flous mais vivants. » Née au Venezuela de parents coréens, l’artiste fonde toute sa pratique sur cet héritage duel. Aujourd’hui, sa recherche dépasse le 8e art et la peinture pour s’étendre à la performance ou au travail autour du texte, afin d’imaginer mille et une manières d’ancrer sa présence au monde.


S’élever avec une force tranquille
Agrandies et réimprimées, les cartes postales sont retravaillées aux bâtons de pigments à l’huile. Les couleurs, douces et métalliques, émergent d’un lent processus de séchage. Alors que la photographie capture ce qui s’est déjà échappé, la peinture ancre dans le présent : grâce à la lenteur méditative du geste – préparation des teintes, esquisses, application des pigments, puis temps de séchage – Suwon Lee retrouve un rythme capable d’incarner le passage du temps et d’offrir en même temps un sentiment de paix intérieure, voire d’appartenance au monde. La montagne, symbole de croissance spirituelle, devient ainsi l’image de ce que l’on peut atteindre en cultivant et en protégeant la sérénité en soi. « En ces temps de conflit, où l’éthique et l’intégrité sont souvent éclipsées, je vois la montagne comme un rappel de l’humilité, de la persévérance et de la force tranquille qu’il faut pour s’élever au-dessus », confie-t-elle.
Présentée à Paris Photo en novembre, l’exposition prolongera ce mouvement de calme et d’attention. La mise en espace, simple et épurée, sera pensée pour inviter à un regard concentré, loin du tumulte. Car, malgré l’instabilité du monde et toutes ces choses qui échappent à notre contrôle, l’acte de créer et de contempler la nature demeure pour l’artiste une manière de redonner résistance et espoir. « Pour moi, créer de l’art est une forme de connaissance de soi ; chaque œuvre révèle un nouveau fragment d’un tout en constante évolution », déclare-t-elle avec un sentiment de sérénité et d’évidence.


