Dans leur ouvrage sobrement intitulé Fragiles, les membres du collectif Tendance Floue, en partenariat avec FUJIFILM, offrent de nouveaux imaginaires. Une respiration bienvenue pour (sur)vivre dans un monde devenu incertain.
« Dans ce terrain vague où l’on avance, tout est crypté. À la question de la violence, à la question de la souffrance, à celle du mal, jamais de réponse. » Un homme nous regarde, frontalement. Avec une délicatesse transperçante, il annonce la couleur : avant d’essayer de comprendre, il faut regarder, se regarder. Cet homme donne le la dans un récit choral. Et ce sont les photographes du collectif Tendance Floue qui déroulent la partition. « Pour eux comme pour nous, tout ne tient qu’à un fil », lance Wajdi Mouawad dans la préface de Fragiles. Pandémie, croissance sans fin, solitude, réchauffement de la planète, exode… Le monde est indéniablement vulnérable, fragile. Et les photographes réunis dans cet ouvrage en sont pleinement conscients. « Nous ne sauverons pas les glaciers, leur fin est programmée », affirme Grégoire Eloy. Les images de Ljubiša Danilović témoignent des « conditions de survie effroyables » des migrants et Denis Bourges photographie des militants en pleine asphyxie. Patrick Tournebœuf saisit les cicatrices d’un territoire marqué par l’exploitation charbonnière et Alain Willaume « les murmures » de la mer Morte, maltraitée par les hommes. « Dans le fond des yeux, une étincelle, une poussière donnent à voir le monde dans son immensité. » Celui qui signe la première image – Mat Jacob – résume à merveille la démarche du collectif.
À la hauteur de l’esprit qui nous hante
Mais il faut savoir aller au-delà du constat. Regarder plus loin et ne jamais cesser d’explorer. Dans cet ouvrage – résultat d’un projet amorcé il y a plus d’un an et soutenu par Fujifilm – chaque membre du collectif a su trouver dans cette fragilité une force créatrice. Le monde est en dérive, alors naviguons avec Yohanne Lamoulère d’île en cabane, à la rencontre de ce qu’il nous reste de familier. Le temps file, alors créons des moments suspendus en famille, et en pleine nature. Si Bertrand Meunier a trouvé refuge avec les siens dans le Pays Basque, d’autres se tournent vers les traditions. Philippe Lopparelli s’est rendu en Roumanie pour chasser les mauvais esprits et Flore-Aël Surun cherche son chemin auprès de druides et sorcières. Meyer s’éloigne lui aussi de la réalité. En jouant de la pesanteur, il s’ouvre au monde des rêves. C’est là que réside la puissance de cet ouvrage, le collectif fait de cette fragilité « le socle d’imaginaires nouveaux » et pour reprendre les mots du dramaturge et directeur du théâtre de la Colline, il a choisi de « porter la puissance de la fragilité contre la férocité du pouvoir ». Ici, la singularité des uns fusionnent avec les maux de notre siècle et les interrogations existentielles se perdent dans des instants de pure grâce. « C’est dans la fragilité de nos balbutiements que nous sommes à la hauteur de l’esprit qui nous hante », conclut très justement l’homme de théâtre.
Fragiles, Textuel, 45 €, 192p. mercredi 6 juillet de 10h à 12h30Rencontre / signature à Arles : mercredi 6 juillet à 11h à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz (18 rue de la Calade) et vendredi 8 juillet de 10h à 12h à la Croisière (65 Boulevard Émile Combes)
© Tendance Floue