Le photographe américain Todd Hido sublime d’une main de maître son environnement. Dans Light from within, exposition accueillie par la Galerie Les filles du calvaire, il construit un univers à l’obscurité magnétique, berceau de nombreux récits.
Un enchevêtrement de paysages urbains et sauvages, et de portraits mystérieux, tous éclairés par une lumière envoûtante colore les murs blancs de la Galerie Les filles du calvaire. Sur les deux étages, les œuvres de Todd Hido semblent nous inviter à une errance hors du temps. L’exposition regroupe House Hunting et Bright Black World, deux séries capturant l’espace avec singularité. À l’étage, des portraits grand format apportent une touche de délicatesse à un univers jusqu’alors dépeuplé.
Il s’agit là d’un fil rouge de l’œuvre du photographe. L’Homme laisse deviner sa présence au moyen d’une lumière allumée à une fenêtre, ou d’un lampadaire luttant contre l’obscurité, avant d’envahir l’image dans des mises en scène sensuelles. D’abord secret, enfermé dans son intimité, l’être humain se révèle au visiteur au moyen d’éclairages : le halo froid d’un poste de télévision, ou la clarté chaleureuse d’un salon illuminent les murs sombres des maisons des banlieues pavillonnaires. Dans Bright Black World, en revanche, la nature domine, et dévoile çà et là quelques ruines d’un artificiel déchu. Qu’est devenue l’espèce humaine ? Existe-t-elle encore ? En sublimant, révélant ou effaçant ses traces, Todd Hido construit un récit pluriel qui, en se confrontant à chaque nouveau regard, se métamorphose et grandit.
Inviter la fiction
« Je suis souvent attiré par les endroits qui invitent la fiction. J’aime créer des images suggestives, qui possèdent le potentiel d’être lues de manières différentes. Je ne veux pas que l’histoire soit évidente. On est toujours plus intrigué par ce que l’on ne comprend pas totalement »,
confie le photographe. Brumeux, parfois picturaux, les paysages qu’il capture inspirent des envolées imaginaires. Présentés en moyen et grand format, les tirages de l’exposition attirent le regard et imposent une pause loin du bruit de Paris. Dans le calme de la galerie, ils se transforment en décors, déserts et somptueux. Une immersion dans un monde où la noirceur règne, tendre et imposante.
C’est toujours avec subtilité que Todd Hido invite les visiteurs à pénétrer dans son univers. À travers House Hunting, il présente au public sa vision de la solitude et des relations humaines. Lorsque deux fenêtres d’une même maison sont éclairées, quelle émotion projettent-elles ? Les protagonistes derrière les murs s’isolent-ils volontairement ? Pourquoi ne dialoguent-ils pas ? Au cœur de Bright Black World, il voyage ensuite jusqu’aux pays nordiques à la recherche de paysages hivernaux. Sur les images, les reliefs des fleuves glacés semblent presque palpables. « Il ne fait aucun doute que ce travail porte sur le changement climatique. Bien que beaucoup de gens soient dans le déni total de cette mutation, elle se produit bien plus rapidement que prévu », explique-t-il. Mais l’artiste, venu de l’Ohio, demeure un éternel optimiste. En questionnant notre société, il espère lui rappeler la nécessité d’une évolution. Une étincelle éclairant un futur obscur ; écho aux fabuleuses lumières de ses images.
Jusqu’au 19 octobre 2019
Galerie Les filles du calvaire
17 Rue des Filles du Calvaire, 75003 Paris
© Todd Hido / courtesy Galerie Les filles du calvaire