L’artiste iranienne Naghmeh Navabi combine photographie, peinture et collage pour créer des œuvres graphiques, inspirées par le réalisme magique de Frida Kahlo et la poésie de son pays natal.
« Il existe une ruelle / Que mon cœur a volée / Aux quartiers de mon enfance »,
ces premiers vers du poème « Autre Naissance », de l’auteure iranienne Forough Farrokhzad capturent l’essence des créations de Naghmeh Navabi. Il y a, dans les réalisations de l’artiste – mêlant photographie, peinture et collage – une tendresse particulière pour son pays de naissance, l’Iran, qui perdure, malgré la distance physique.
Née à Téhéran en 1982, Naghmeh Navabi habite aujourd’hui à Londres, où elle réalise des œuvres évoquant la délicatesse des porcelaines japonaises. « Le collage a marqué un véritable tournant dans ma pratique, il m’aide à jouer avec les différentes couches, à découper des images numériques comme argentiques », précise-t-elle. Inspirée par de nombreux auteurs – Frida Kahlo, Shirin Neshat, ou encore Wangechi Mutu – la poésie moderne iranienne tient une place toute particulière dans son cœur. « Lorsqu’il s’agit de création, je reviens à mes racines », explique-t-elle.
Réflexions symboliques
Loin d’être simplement esthétiques, les créations de l’artiste se lisent comme des réflexions symboliques, des pensées abstraites, influencées par les droits des femmes. « Je base mes œuvres sur ma propre expérience. Je travaille du point de vue d’une femme venue du Moyen-Orient. J’analyse les notions de maternité, de sexisme, d’égalité et de violence », confie-t-elle. Sur ses collages, les visages sont camouflés derrière d’autres images, ou tout simplement rayés, remplacés par un vide béant. Des femmes étranges, aux silhouettes absurdes et anonymes. Si Naghmeh Navabi dit vouloir protéger l’identité de ses modèles, leur représentation interroge : qui sont ces femmes ? Que ressentent-elles ? Ces traits effacés représentent-ils un futur incertain ? Un besoin de se protéger des regards, pour être, enfin, libres ?
Parmi les œuvres de l’artiste, un tableau graphique, dichotomique, fascine particulièrement. Des femmes voilées sont survolées par une figure féminine, sensuelle, qui semble vouloir les embrasser. Autour de ces corps monochromes, des tentacules pourpres s’enroulent, menaçants. « Ce collage représente la dualité de ma culture, et d’une société confinée. Ces tentacules sont une métaphore de la souffrance, d’une situation chaotique », explique l’auteure. Une œuvre aussi séduisante qu’effrayante.
© Naghmeh Navabi