Eileen Cho a 25 ans, elle est photographe depuis deux ans. Nous l’avions publiée dans nos coups de coeur il y a un an et nous l’avons rencontrée pour la première fois à Arles, dans notre QG Le Magasin de Jouets. Rendez-vous pris, nous nous sommes données rendez-vous ce matin pour visiter une expo de son choix : L’incurable égoïste, une formidable rétrospective dédiée au photographe japonais Masahisa Fukase, présentée jusqu’au 24 septembre prochain.
Fisheye : Pourquoi avoir choisi cette exposition ?
Eileen Cho : C’est très excitant je trouve, qu’un photographe japonais ait une exposition aussi importante dans le programme des Rencontres. Ca n’arrive pas souvent que la photographie japonaise soit autant mise en avant, même si, c’est vrai, c’est une tendance forte de la photographie contemporaine. Je suis aussi très admirative du travail de Fukase, que je connaissais principalement à travers les portraits qu’il a réalisé de son ex-femme Yoko, ainsi que sa série Ravens, qui est un beau témoignage de sa solitude et de sa dépression. Et c’est ce que les photographes japonais font ! Ils documentent leur vie quotidienne en composant des récits intimistes et tristes. C’est pourquoi il était indispensable pour moi de voir cette exposition.
Quand as-tu découvert le travail de Masahisa Fukase?
J’ai découvert Fukase il y a deux ans, quand j’ai débuté la photographie. Mais à travers cette exposition, j’ai découvert d’autres dimensions de son oeuvre. Par exemple, son travail autour de la couleur. très inspirée par la photographie japonaise, dans le sens où l’essentiel de mon travail consiste à documenter ma vie quotidienne. J’aime beaucoup m’investir dans chaque image, et à mon sens c’est ce que font les photographes japonais.
Private Scenes, 1991, © Masahisa Fukase / Avec l’aimable autorisation de Masahisa Fukase Archives
Dans quel sens son travail influence-t-il le tien ?
Fukase a dit un jour : « Ce qui m’intéresse, c’est toujours moi. » Et c’est ce que je ressens dans ma pratique photographique. Prendre des photos, c’est quelque chose de très égoïste. Avant de déclencher, je sens que je me jette toute entière dans l’image que je suis en train de saisir. Mes sentiments, mes pensées… Je prends des photos de manière obsessionnelle. Dans ce sens, Fukase m’inspire énormément. La photographie, c’est aussi un moyen de survivre, d’être au monde. Et Fukase, Daido Moriyama, Noboyushi Araki photographiaient aussi pour cette raison !
Dans l’exposition, quelles sont les photos qui t’ont le plus marquée ?
D’abord, celle du chaton qui tient dans sa gueule une cigarette. La composition de cette image est tout ce qu’il y a de plus simple, je déteste les chats, mais pourtant cette photo me parle beaucoup. Je trouve qu’elle est très poétique. Ensuite, il y a ces deux portraits de personnes âgées – les parents ou les grands-parents de l’artiste. Encore une fois, la composition est très simple, un cadrage serré sur les yeux… Mais quand je regarde ces deux images, j’ai l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre. Elles sont très intenses, très puissantes. Enfin, il y a cette dernière image qui est un autoportrait de l’artiste dans une baignoire remplie d’eau. Je l’aime beaucoup, car elle montre bien que Fukase aimait expérimenté des choses. C’est un très bel autoportrait, riche en symboles.
Vues de l’exposition L’incurable égoïste, présentée au Palais de l’Archevêché, à Arles – © Eileen Cho