Vanessa Kuzay, 33 ans, est une photographe basée à Marseille. C’est là-bas que nous l’avions rencontré, un an plus tôt, lors d’une lecture de portfolio. Dans la foulée, nous publiions le travail qu’elle nous avait présenté ce jour-là, Territoires oubliés. Nous l’avons retrouvée à Arles, où elle nous a emmené visiter une exposition qui l’a beaucoup inspiré. Levitt France, une utopie pavillonnaire est présentée au Magasin Électrique, jusqu’au 24 septembre prochain, aux Rencontres d’Arles.
Fisheye : Pour avoir choisi cette exposition ?
Vanessa Kuzay : J’ai choisi cette exposition parce que les zones pavillonnaires sont des éléments du paysage qui m’inspire beaucoup. Ça me touche beaucoup aussi, parce que j’ai moi-même grandi dans ce type d’environnement. C’est donc un sujet récurrent dans mon travail.
Qu’est-ce qui t’accroche dans la scénographie ? Et, selon toi, qu’est-ce que cette exposition raconte de la vie dans ce genre de banlieue ?
J’aime beaucoup la scénographie et ce fonds vert qui rappelle vraiment les pelouses tondues des pavillons. On s’aperçoit que le vert est très présent dans l’ensemble des images et renvoie à l’idée de nature. Or ce qui est paradoxal dans ces zones pavillonnaires, c’est que la verdure est justement très contrôlée. Les haies sont taillées au millimètre par exemple. Donc ce fonds vert est très pertinent. Il y a aussi une évolution intéressante au fil de l’exposition. C’est-à-dire que le projet Levitt, l’utopie, sert d’introduction. Puis on remarque l’uniformité et, petit à petit, on s’approche de plus en plus des maisons.
Dans quelle mesure tu retrouves de ton histoire, de ta personnalité et de ton travail dans cet ensemble ?
Il y a des images ici qui me renvoient à mon propre imaginaire et qui pourraient m’influencer dans mon travail. Notamment la série Pursuit of Happiness de Julie Balagué. Elle photographie des scènes qui semblent complètement sans vie, voire même un peu angoissantes, et des personnages qui expriment une forme d’ennui, de dépit. Notamment deux adolescents. Or l’adolescence en zone pavillonnaire, ça fait écho à un travail que j’avais réalisé avec ma nièce, Les territoires oubliés. Avec cette série, j’ai voulu montrer comment est-ce que l’on grandi dans un environnement aussi formaté, contenu… Alors que l’adolescence est une période de la vie où l’on doit être plein d’élan.
Extrait de “Les territoires oubliés”, © Vanessa Kuzay
Dans l’exposition, quelles sont les photos qui t’ont le plus marquée ?
D’abord cet ensemble de Bruno Fontana. Cette typologie qui rappelle celle des époux Bécher est très intrigante. De loin on a l’impression que toutes les maisons se ressemblent, mais en s’approchant, on s’aperçoit qu’il y a de nombreux détails qui permettent de les différencier. Ce sont des tentatives un peu vaine de personnalisation. Car le rêve de quelqu’un qui achète ce genre de terrain, c’est de posséder un bien à lui mais, en même temps, il y a peu de marge pour en faire quelque chose d’original, d’individuel. J’aime aussi beaucoup le travail de Julie Balagué, encore une fois. Et aussi ces images de Jacques Cardon, qui a photographié la construction de sa maison dans une zone pavillonnaire. On voit à quel point le logement fait partie de l’histoire familiale. Cette maison c’est presque un membre de la famille finalement. Il y a quelque chose de très touchant là-dedans.
De g. à d., de haut en bas : Vues des oeuvres de Julie Balagué, Jacques Cardon et Bruno Fontana ¦ © Marie Moglia