De Marrakech à Fès en passant par Casablanca, Yassine Sellame photographie une discipline qu’il ne connaît que trop bien : le skate ! Skate boarding réunit des portraits de ses pair·e·s qui investissent l’espace public. Un travail empreint de liberté à découvrir jusqu’au 20 mai à l’occasion de la 11e édition du festival L’œil urbain.
« L’ancienne médina m’a appris à observer les choses, les détails, les gestes, la rue et celles et ceux qui y vivent. C’est un endroit où se fréquentent des gens issu·es de divers horizons. La lumière et la couleur y sont très particulières », confie Yassine Sellame, un photographe de 28 ans qui a grandi à Marrakech. Un jour, une amie de la famille lui rapporte depuis l’étranger une planche de skate. Un cadeau bienvenu pour le jeune homme qui éprouve alors une envie profonde de découvrir la ville autrement. « Je n’ai pas seulement rencontré des personnes, qui comme moi pratiquaient, j’ai découvert de nouveaux endroits, une autre manière d’envisager l’espace urbain et la vie en général. Le skate n’est pas une simple planche de bois avec des roues, c’est un exutoire, un moyen de se sentir libre, de découvrir, de se laisser aller… » Le skate, c’est aussi une philosophie de vie : on apprend à tomber et à se relever, on répète les mêmes gestes. « C’est une mise au défi, un peu comme la photographie finalement. Dans les deux disciplines, je trouve de la satisfaction dans l’apprentissage plus que dans le résultat », ajoute l’artiste. Outre, la pratique et la répétition, le temps et la patience, la photographie, comme le skate nécessitent un certain « art du feeling » : parfois, c’est en se laissant aller que l’on obtient les plus belles surprises. Et puis, il y a l’art du collectif : « Si ces deux passions sont individuelles, elles prennent sens grâce à celles et ceux avec qui on les partage », confie le photographe.
Le skate, une discipline très photogénique
Tout a commencé au cours de ses années lycée. « J’ai accompagné un ami qui devait faire quelques clichés pour la marque de skate One Move. Nous avons arpenté les rues de Marrakech toute la journée, avec un boîtier numérique pour deux. C’est durant cette déambulation que j’ai réalisé ma toute première photo : un skateur a exécuté un ollie, en passant par-dessus une moto », se souvient Yassine Sellame. Le temps passe, mais l’excitation du moment reste. Il n’a pas seulement été au bon endroit au bon moment, il a réussi ses réglages, et a capturé un arrière-plan intéressant. Car au-delà des tricks, c’est la culture skateboard qu’il saisit.
Apparue dans les années 1950, quand des surfeurs dits « d’asphaltes » popularisent, en Californie et à Hawaii notamment, de petites planches sur lesquelles sont fixées des roulettes, elle connaît un pic vingt plus tard en Amérique du Nord et en Europe. Et c’est dans les années 1980 qu’elle se développe dans le royaume chérifien. Depuis l’intégration du sport dans le programme des Jeux olympiques, de plus en plus de jeunes s’y intéressent, des collectifs se créées et les skateparks se multiplient dans le pays. Dans sa série Skate Boarding exposée au sein du festival l’Œil urbain, Yassine Sellame dresse le portrait d’une communauté en plein essor, bienveillante et ouverte d’esprit. On le suit dans les ruelles de Marrakech, de Casablanca, ou encore de Fès. Un petit monde où tout le monde se connaît, « une communauté assez inclusive » où se mélangent d’autres arts tels que le graphisme, la musique ou encore la photo. Intimement lié à la culture underground visuelle, le skate demeure une discipline très photogénique. Selon l’auteur, skater, c’est chercher à atteindre la justesse d’un mouvement, d’une figure. Et pour le regardeur, cette quête de l’absolu rend l’instant intense et agréable. Et puis, il y a tous les à-côtés aussi : « j’aime photographier l’usure des équipements et des vêtements, les blessures et autres marques physiques, les galères, les ratés et les imperfections tout comme les subtilités du décor urbain. Cet équilibre entre le désir de perfection et les tentatives dans le chemin parcouru rend le skate passionnant pour les photographes ! »
© Yassine Sellame