Dans ses images, Julien Rieutort prend en mains les questions environnementales actuelles. Dans une projection photographique du doute, il interroge sans moraliser les indices de notre présence sur terre.
« Un jour, j’ai pété un plomb. Je me suis dit qu’il fallait que je parte, que je me retrouve seul. C’est comme ça que mon exploration a commencé. Puis j’ai découvert la beauté, il fallait que je la montre. » Ces mots de Julien Rieutort initient ses œuvres et préviennent de son regard bienveillant et interrogateur. Dans ses différentes séries, le photographe originaire de Paris manie aisément la fiction et le réel. Par l’écriture de la lumière, il cherche les empreintes de l’homme sur la Terre. « J’aimerais que nous ayons une conscience de la nature, explique-t-il, que l’on comprenne que nos actes les plus anodins peuvent avoir une influence démultipliée quelque part dans le monde. Je veux témoigner de notre passage, mais sans donner de leçon. J’ai beaucoup de questions sans prétendre avoir les réponses. »
Les voyages qu’il entreprend en Amérique du Sud, en Islande ou encore en Antarctique lui ont permis de révéler la puissance des paysages qu’il a traversés. Mais loin de se soumettre à la seule ligne d’horizon, aux crêtes des montagnes et au calme des eaux, Julien Rieutort pense l’avenir. Dans Souvenirs from earth, il imagine un monde laissé à l’abandon. Dans ses projections, nous aurons quitté une terre malade, laissant derrière nous une beauté désertique qu’une agence de voyage basé quelque part dans l’Univers proposerait de visiter. Un travail en profondeur où chaque image porte comme titre les coordonnées géographiques exactes de l’endroit où pourrait se poser le vaisseau de touristes sidéraux. Comme point d’atterrissage, un triangle lumineux qui se couche sur les perspectives, bousculant ainsi les règles formelles inhérentes à la photographie.
Éteindre le périphérique
Avec OFF/ON, il poursuit sa quête de nos traces et réalise ce que beaucoup souhaiteraient : éteindre le périphérique de la capitale française. « Dans cette série, j’ai voulu éteindre le périphérique, confie-t-il. Plus d’un million de voitures circule ici chaque jour produisant une pollution sonore et lumineuse énorme. J’ai voulu savoir ce que ça rendrait si nous le vidions, que deviendrait cette structure ? » Le résultat donne des photos très brutes, aux lignes strictes, dont seuls les filets des phares du « ON » définissent notre présence. « Comme je viens de la musique, je voudrais associer à ces images des compositions qui transmettraient de nouvelles émotions » conçoit-il. Tous les détails sont pensés par l’auteur, jusqu’à la mise en place de la scénographie d’une possible exposition. Pour preuve, il aurait souhaité créer des cadres en béton pour OFF/ON, une idée difficilement réalisable tant le poids des œuvres promettrait alors un transport et un accrochage pour le moins compliqué.
Revenons sur la trace, puisque s’il en est une, c’est bien celle de nos pas. Dans Forest memories, Julien Rieutort imprime les marques du présent. Toujours ce filet de lumière, cette fois réalisé au smartphone, une expression de la contemporanéité en un instant figé. Un parcours qui place la nature au centre de l’expérience humaine. Dans toutes ses formulations plastiques, cet artiste construit une vision du partage, et offre un regard singulier sur notre terre commune. Il nous situe au-delà du simple statut de spectateur dans une démarche sincère et qui laisse libres les interprétations. Dans ses projets à venir, il tournera son objectif vers les mondes parallèles. En attendant, nous le suivrons dans ce qu’il y a de plus actuel.
© Julien Rieutort