La série Nevermind Sovietland illustre le voyage du photographe espagnol Tomeu Coll jusqu’à Vorkuta, une ville russe, construite par les prisonniers des goulags. Un témoignage touchant sur l’isolation d’un peuple perdu au cœur d’un territoire gelé à retrouver au Festival Circulation(s)
Cinéaste de formation, Tomeu Coll est fasciné par le pouvoir des caméras. Pour lui, ce sont des inventions fabuleuses, capables d’enregistrer un instant fugace et d’en faire une histoire inoubliable. Pourtant, très vite, l’artiste se tourne vers la photographie. Avec le temps, il apprend à aimer le huitième art, et à créer des récits immobiles. « J’ai compris qu’une image fixe pouvait avoir autant d’impact qu’une scène tirée d’un film », explique-t-il.
Son boîtier ? Un outil lui permettant de découvrir de nouvelles cultures. « J’essaie de m’imprégner de ce que je photographie, confie-t-il. Sinon, mon image n’a pas de raison d’être. J’ai besoin de prendre part à l’histoire de mes modèles, ou d’essayer, au moins, de nouer des liens avec eux. » C’est donc plein d’empathie qu’il voyage jusqu’à Vorkuta, une cité russe située à 3 000 kilomètres de Moscou, et construite par les prisonniers des goulags, à l’apogée de l’Empire soviétique. Un territoire glacé, au passé complexe et au futur indéterminé. « J’ai toujours été fasciné par l’histoire soviétique. Cette période, pourtant récente, marquée par la révolution d’un peuple », précise le photographe.
Un lieu hors du temps
C’est d’abord le froid polaire du territoire qui attire Tomeu Coll. Un climat difficile, loin de son Espagne natale. Originaire d’une île, le photographe veut expérimenter une autre forme de solitude, en se rendant à Vorkuta. « Je voulais vivre l’isolation, la vraie. Cette certitude d’être perdu, au milieu de nulle part, sans échappatoire, à 40 heures de train de la grande ville la plus proche », affirme-t-il. Alors qu’il compose Nevermind Sovietland, le photographe découvre un peuple unique, forgé par une vie difficile, et porté par un passé poignant. Un peuple habitant une ville construite sous la contrainte, par des prisonniers bravant la morsure du froid. Une culture complexe, coincée entre deux mondes, regrettant parfois l’URSS et sa redoutable puissance. En découvrant Vorkuta, on découvre aussi un monde de contrastes, entre aversion et affection. « Malgré l’hostilité des lieux, lorsqu’on y naît, une partie de nous appartient à l’endroit », conclut simplement Tomeu.
© Tomeu Coll