Jusqu’au 12 janvier, la MEP accueille dans son Studio Walls, une série de la photographe Harley Weir, réalisée à Jérusalem, de part et d’autre du mur de séparation. Un travail documentaire à la beauté violente.
C’est au cœur du Studio de la Maison européenne de la Photographie, lieu dédié à la photographie émergente, qu’Harley Weir présente Walls. Un projet personnel débuté en 2013, au mur de séparation israélien et ses alentours. Une série atypique pour l’artiste, diplômée du Central Saint Martin College of Art de Londres, connue pour ses nombreuses collaborations avec l’industrie de la mode et de l’édition – de Calvin Klein à Balenciaga en passant par Vogue.
On retrouve pourtant dans Walls un même désir de remodeler ce qui est considéré « beau ». Dans ses commandes, la photographe a pour habitude de contorsionner les corps, de les renverser pour capturer des formes extravagantes. Elle invite ses modèles – notamment les femmes – à se réapproprier les notions de charme et de sexualité souvent banalisées par les marques. Un fil rouge que l’on retrouve dans la série exposée à la MEP, pourtant plus documentaire. « Beaucoup de photoreporters sont convaincus que la couleur est réservée aux magazines, mais je ne suis pas d’accord avec cette idée. Un photographe m’a un jour dit qu’il photographiait seulement en noir et blanc parce que la couleur n’était pas assez triste. Moi, je voulais justement montrer des images positives », confie Harley Weir.
Faire preuve d’empathie
En 2012, elle se rend pour la première fois en Israël, dans le cadre d’une commande. Elle découvre alors, un peu par hasard, le mur de séparation. « Ce fut pour moi un moment décisif et une véritable prise de conscience de la complexité de notre monde », précise-t-elle. Walls regroupe des clichés que la photographe a pris au cours de plusieurs voyages, effectués à partir de 2013, illustrant les deux côtés du mur. Paysages et portraits forment une mosaïque aux couleurs chaudes, splendide malgré la dureté de certains clichés. « Je voulais illustrer le territoire tel qu’il est : Israël est considéré comme un paradis sur terre, la lumière là-bas est magnifique, et la ville est charmante », explique l’artiste.
Pourtant, malgré l’esthétique soignée, la violence apparaît : cadavres d’animaux, cicatrices profondes, caméras de surveillance, barbelés… Et ce mur qui serpente le long des images, son squelette de métal offrant un triste panorama au cœur d’un espace merveilleux. Un contraste accentué par la mise en scène des images, placardées côte à côte sur les murs du studio. « Je voulais que les visiteurs ressentent une certaine claustrophobie, comme si les photos représentaient les pans du mur et qu’ils étaient piégés à l’intérieur », dévoile Harley Weir. Au cœur d’un récit non linéaire, elle parvient à fusionner de nombreuses histoires, mêlant les expériences des Palestiniens et des Israéliens. Sans prendre parti, elle met en scène un parcours aléatoire au cœur de la région. Un travail dévoilant sa maîtrise des palettes de couleurs et illustrant en contrepoint, des enjeux sociaux extrêmement complexes. « Il était nécessaire de représenter ainsi Jérusalem. En tant qu’étranger il est parfois difficile de s’exprimer sans offenser. Aussi, mon objectif était avant tout de faire preuve d’empathie », conclut-elle.
Jusqu’au 12 janvier 2020
Maison européenne de la Photographie
5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris
© Harley Weir