Zen Xan : Lawrence Hardy et son combat contre les opioïdes

Zen Xan : Lawrence Hardy et son combat contre les opioïdes
Dans Zen Xan, Lawrence Hardy illustre le chemin de la guérison qu’il a suivi après avoir souffert pendant des années de troubles anxieux généralisés qui se sont soldés par une dépendance aux opioïdes. Par le biais de cette série monochrome, le photographe souhaite tendre la main à celles et ceux dont la santé mentale a été fragilisée, en leur rappelant que tout n’est pas perdu.

« Mon premier souvenir avec la photographie remonte à 2017. Je travaillais pour FedEx Express, à l’époque. Un jour, alors que je livrais le long d’une route côtière, j’ai été subjugué par l’océan, avec ces voiliers et ce magnifique coucher de soleil. Bien que je n’aie immortalisé cette scène qu’avec mon iPhone, j’ai ressenti un sentiment indescriptible, rien d’assez fort pour me défaire de mon envie d’opiacés, mais c’était quelque chose de paisible et temporaire », commence Lawrence Hardy. Aujourd’hui âgé de 32 ans, fiancé et père d’un enfant en bas âge, le photographe américain a passé ces dernières années à combattre son accoutumance aux drogues. Dans Zen Xan, il revient sur les causes qui l’ont mené à cet état et la manière dont il s’en est sorti. « Cette série raconte comment j’ai finalement choisi la sobriété comme unique option, ce qui m’a conduit à la photographie, quelques semaines seulement après ma cure de désintoxication », indique-t-il.

À l’origine de Zen Xan – dont le titre évoque à la fois la sensation de sérénité et le Xanax, un anxiolytique d’action rapide – se trouve une succession de traumatismes. « Ce projet s’inspire des abus que j’ai subis de la part de ma mère biologique, qui a abandonné mon père lorsque ma sœur et moi avions 6 et 3 ans, mais également de dix-sept années de lutte contre une anxiété généralisée, caractérisée par de graves crises de panique et une dépression modérée. J’ai frôlé le point de non-retour après avoir retrouvé mon père mort de manière inattendue sur le sol du salon », se souvient l’artiste autodidacte. Deux semaines après cet évènement dramatique, il commence à prendre des analgésiques sur ordonnance qui, très vite, ne lui suffisent plus. Il passe alors au fentanyl et à l’héroïne, deux substances qui, depuis 2010, participent activement à la crise des opioïdes que connaissent les États-Unis. « Cela m’a valu d’être considéré comme un toxicomane dysfonctionnel pendant les deux dernières années de près d’une décennie de consommation. Je ne pouvais plus rien faire sans en prendre », poursuit notre interlocuteur.

© Lawrence Hardy

Une guérison encore possible

Au fil des clichés, Lawrence Hardy joue avec la portée émotionnelle de la mémoire en revisitant quelques-uns de ses anciens lieux de prédilection. « C’est là où j’avais l’habitude de trouver ma prochaine dose. J’ai voulu y retourner, dans le cadre de cette série, pour ressentir autre chose que ce que j’éprouvais lors de mes visites en tant que toxicomane. À l’époque, je me sentais désespéré, embarrassé et, en même temps, excité. Dès que la première bouffée entrait dans mes poumons, il n’y avait plus de honte, juste de l’euphorie et plus aucun souvenir douloureux », précise-t-il. Si ces compositions n’évoquent pas explicitement les expériences difficiles qui ont été les siennes, elles donnent à voir la vision que l’artiste pose sur le monde alentour. Les nuances de noir et blanc traduisent aussi bien l’obscurité que l’espoir qui s’entrechoquent avec véhémence.

Vans et voitures en piteux états abandonnés au milieu d’une forêt, façades d’église et écriteau religieux appelant Jésus en aide, maisons esseulées et recouvertes du froid glacial de la neige, panneaux de signalisation à peine lisibles… À plus large échelle, l’artiste cherche à montrer des scènes pouvant sembler familières à celles et ceux qui continuent peut-être à faire face au désœuvrement et à la perte de repères, qu’ils soient passagers ou prolongés. « Se sentir seul devant à tous ces défis est plus qu’effrayant, cela peut parfois faire penser que la seule option qui reste est la pire », insiste le photographe avant d’expliquer, avec bienveillance, que ce travail est sa façon de prouver aux personnes qui ont connu des problèmes similaires qu’elles ne sont pas seules et qu’une guérison est encore possible. « À présent, je ne porte plus de lunettes de soleil, de peur de manquer une occasion », conclut-il.

© Lawrence Hardy© Lawrence Hardy
© Lawrence Hardy© Lawrence Hardy
© Lawrence Hardy© Lawrence Hardy
© Lawrence Hardy© Lawrence Hardy
© Lawrence Hardy© Lawrence Hardy
© Lawrence Hardy© Lawrence Hardy
© Lawrence Hardy© Lawrence Hardy

© Lawrence Hardy

Explorez
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Italie, Sicile, Taormine, 1981 © Raymond Depardon / Magnum Photos
Extrême Hôtel : voyage dans l’œuvre intime et colorée de Raymond Depardon
Après huit mois de travaux pour rénovation, le Pavillon populaire de Montpellier rouvre ses portes. À cette occasion, le musée...
10 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
© Grade Solomon
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
Grâce à l'impression risographie, Grade Solomon raconte les formes de vie et les états d’âme dans ce qu’ils ont de familier et de...
09 décembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Kincső Bede : Déshéritée
© Kincső Bede
Kincső Bede : Déshéritée
Dans son livre Porcelain and Wool, Kincső Bede se réapproprie son identité transverse par des objets, des lieux et des tissus de la...
04 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Grégoire Beraud et les terres colorées de l'Amazonie
Kipatsi © Grégoire Beraud
Grégoire Beraud et les terres colorées de l’Amazonie
Dans sa série Kípatsi, réalisée dans l’Amazonie péruvienne, Grégoire Beraud met en lumière la communauté Matsigenka, sa relation à la...
13 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Julie Jones est nommée directrice de la Maison européenne de la photographie
Julie Jones © Agnès Geoffray
Julie Jones est nommée directrice de la Maison européenne de la photographie
Le conseil d’administration de la Maison européenne de la photographie vient de révéler le nom de sa nouvelle directrice : il s’agit de...
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
4 livres photo, signés Fisheye Éditions, à (s’)offrir à Noël
© Boby
4 livres photo, signés Fisheye Éditions, à (s’)offrir à Noël
Offrir un ouvrage à Noël est toujours une belle manière d’ouvrir des portes sur de nouveaux univers. À cet effet, nous avons...
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet