Fisheye Magazine : Pourquoi es-tu devenue photographe ?
Rosie Brock : J’ai commencé à prendre des photos à l’âge de 15 ans et depuis je n’ai pas cessé d’être passionnée par ça. Devenir photographe semble être le seul chemin de carrière à suivre – et le plus naturel.
Quelle est l’histoire de ta série Bone, Flesh, Memory ?
Bone, Flesh, Memory est une série narrative toujours en cours, qui se situe quelque part dans le domaine du genre gothique méridional. Il n’y a pas de véritable intrigue linéaire dans ce travail; mon but est de créer un fort sentiment d’humeur, aussi bien qu’une vague atmosphère qui chancelle à la frontière du familier et de l’inquiétant.
Est-ce un travail fictif ou documentaire ?
La narration est partiellement fictive. Mon intention est de créer une histoire qui, bien qu’influencée par mes propres souvenirs et expériences du sud, est une construction plutôt qu’une vision non altérée de la réalité. J’ai été certainement influencée par la tradition de la photographie documentaire, mais je trouve que créer et imaginer une narration est plus intéressant.
Qu’est-ce qui a inspiré Bone, Flesh, Memory ?
Mon enfance passée dans la Côte du Golfe de Floride façonne l’essentiel de tous mes centre d’intérêts visuels actuels. De cinq à treize ans, j’étais dans une école catholique privée; il y avait là-bas une vraie dichotomie entre la sécurité de l’encadrement religieux et l’aspect général, bizarre et miteux, de la culture environnante de la Côte. Avec le recul, je m’aperçois que l’écart et la connexion entre les différentes facettes de la communauté où j’ai grandi ont beaucoup influencé mes façons d’observer et de penser. De plus, la littérature et les récits filmiques sont d’importantes influences dans mon travail. La littérature du Sud – telles que les histoires de Sherwood Anderson, Eudora Welty et William Faulkner – a fait croître mon intérêt pour cette région, mais aussi pour les expériences spécifiques propres à certains endroits et aux personnages qui y résident. J’ai aussi été très inspirée par les documentaires sur le crime, en particulier la trilogie de Paradise Lost.
Que cherches-tu alors à exprimer avec ce travail ?
Je cherche à montrer à quel point, souvent, il y a une forte dramaturgie derrière les apparences ordinaires.
Où as-tu réalisé ces images ?
Toutes ces photos ont été réalisées en Virginie, dans le Tennessee, en Géorgie ou dans la Caroline du Sud.
Quel est l’impact de ces lieux sur ta façon de photographier ?
L’endroit où je shoote influence énormément l’humeur et l’atmosphère psychologique des images produites. La plupart des lieux représentés dans Bone, Flesh, Memory sont des coins sur lesquels je suis tombée durant mes road-trip et qui m’ont instantanément intrigués. Quand je découvre au hasard un cadre qui m’est visuellement attrayant, d’ordinaire c’est parce qu’il déclenche un souvenir. Ça me permet d’insuffler un peu de moi-même dans un endroit étranger.
Quel boîtier utilises-tu pour cette série ?
J’utilise un Hasselblad 500cm.
Pourquoi avoir choisir de réaliser des images au format carré ?
J’ai toujours été attirée par l’imaginaire de ce format. Je pense par exemple aux travaux d’Alessandra Sanguinetti, de Maude Schuyler Clay et de Lara Shipley. J’ai utilisé l’Hasselblad pour la première fois l’an dernier et j’ai été instantanément fan du rapport d’image; quand je compose une photographie, mon esprit envisage toujours l’image sous l’aspect carré.
Selon toi, quelle est la photo la plus emblématique de Bone, Flesh, Memory ?
Celle de la jeune femme assise sur une chaise, faisant face à un grillage. Il y a dans cette photo une sorte d’ambiguïté et de tension, que je m’évertue à traduire dans chaque image.
Propos recueillis par Marie Moglia
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