Jusqu’au 18 avril 2022, la Galerie de photographie du Centre Pompidou nous invite à découvrir Gaston Paris, photoreporter et artiste méconnu de l’entre-deux-guerres. Une exposition qui revient sur sa carrière, ses œuvres et ses exploits photographiques, en lui rendant la lumière et sa notoriété négligée.
« Inconnu jusqu’il y a peu dans l’histoire de la photographie, jamais cité parmi les photographes qui ont compté dans l’entre-deux guerres, Gaston Paris (1903-1964) fut pourtant l’un des photographes les plus actifs des années 30 ».
C’est en ces mots que le directeur de recherche au CNRS et historien de la photographie Michel Frizot ouvre la préface de l’ouvrage dédié à l’exposition Gaston Paris. La photographie en spectacle. Nichée dans la galerie dédiée au 8e art du Centre Pompidou, l’exposition dévoile, pour la première fois, une collection de tirages d’époque et d’éléments d’archives appartenant au photoreporter des années 1930 : Gaston Paris. Car à cause d’un dispersement global de son œuvre, aussi prolifique fut-elle, celui-ci est tombé dans les méandres de l’anonymat et à fortiori de l’oubli.
C’est de ses méandres pourtant, d’où tout est parti. Et plus spécifiquement d’une boîte en carton remplie de négatifs non signés, chinée dans les années 1990 par Michel Frizot. Tel un détective armé d’une curiosité sans failles, il s’est alors penché sur les traces de cet auteur, en se renseignant auprès de bibliothèques nationales, de fonds photographiques et de collectionneurs. Très vite, il s’est entouré de Florian Ebner – auteur et directeur de la collection de photographie au musée Folkwang– lequel est devenu commissaire adjoint de cette exposition, pour recomposer l’histoire et la trajectoire du photographe. Et finalement, près de 30 ans après cette découverte, la marque laissée par cet homme constitue aujourd’hui une œuvre extrêmement volumineuse.
Une mise en lumière inespérée
Décrit comme un photographe « doué, assidu, voire un chasseur d’images, prolifique » par Florian Ebner, Gaston Paris n’aura malheureusement pas eu la gloire posthume qu’il méritait. Un échec qui, selon Florian Ebner, a été causé par son « arrivée [tardive] par rapport à ses pairs reporters qui l’ont précédé avec leurs inventions formelles, mais trop [récente] par rapport à une génération de l’après-guerre dont il ne partageait pas le vocabulaire humaniste ». Néanmoins, le photoreporter du magazine illustré VU — pour lequel il a publié jusqu’en 1939 plus de 1300 photographies — n’avait rien à envier à ses pairs tant dans son approche du médium que dans son univers et son travail d’édition au sein du magazine. La rétrospective en cours s’en fait le témoin authentique, grâce à une scénographie mettant en scène la multiplicité de supports présente dans son travail. « Être confronté à un fonds photographique comme celui de Gaston Paris, objet de multiples étapes d’éditing, pose un problème de méthodologie. Nous choisissons […] de les rendre visibles afin de montrer que la photographie est aussi un objet matériel fait de multiples supports : négatifs, tirages de lectures, tirages d’époques, agrandissement, projections, revues, dossiers… » déclare Michel Frizot.
Ainsi, la reconstitution artistique et historique procédé par le duo Michel Frizot et Florian Ebner – tous deux aidés, entre autres, par les fonds Roger-Viollet et par le collectionneur Christian Bouqueret – s’impose comme un véritable témoignage de son vécu. À travers les différents espaces de la galerie, nous sommes alors amenés à découvrir un Paris aux allures surréalistes des années 1930. Ce même Paris que les auteurs de la génération perdue ont tant chéri dans leurs romans, rythmé par les fêtes et par une modernité en plein essor. Un Paris en proie aux affres de la Première Guerre mondiale et dans la crainte d’une Seconde. En somme, une capitale en spectacle constant, que Gaston Paris admirait et dévoilait avec passion.
Les « nouveaux » Clérans, trapézistes, 1946 © Gaston Paris/BHVP/Agence Roger-Viollet
De l’art du photoreporter
Il y a, dans ses images et reportages de cabarets, de cirque ou de lieux populaires, cette tendance pour le mouvement, le bizarre voire pour ce que nomme Florian Ebner le « fantastique social ». Tour à tour, ses clichés monochromes présentent des portraits extravagants, dont les visages marqués et les scènes de vie quotidienne rappelleraient presque celles des films de Fellini. Au fil de l’exposition, l’œuvre de Gaston Paris se révèle et réussit à se lire de manière limpide, linéaire. Cette rétrospective souligne toute l’importance de l’archivage et de la nécessité des travaux de conservation. Elle fait renaître Gaston Paris en découvrant son style, son caractère, via ses créations et son implication dans la valorisation du 8ème art.
Telle une revanche sur un passé qui ne l’a pas épargné, Gaston Paris réinvestit aujourd’hui les galeries et les lieux culturels. Un auteur resté inconnu, mais ô combien contemporain et unique dans son regard sur autrui. Un photographe, qui – à sa manière – a révolutionné le spectre de la photographie française. Une révolution symbolique qui nous apparaît nécessaire de célébrer aujourd’hui. Car chez Fisheye, ce sont toutes ces révolutions, qu’elles soient minimes ou grandioses, tous ces artistes, émergents ou tapis dans l’ombre, que nous nous efforçons de révéler en racontant leur histoire, pour enfin continuer à inspirer nos lecteurs.
Gaston Paris. La photographie en spectacle, dir. Michel Frizot et Florian Ebner, en coédition avec le Centre Pompidou, Atelier EXB / Éditions Xavier Barral, 256 pages, 45 €.
Image d’ouverture Casino de Paris, vers 1937 © Gaston Paris/BHVP/Agence Roger-Viollet