Jusqu’au 27 août se déroule, à Vendôme, la 18e édition des Promenades Photographiques. Porté par la thématique In situ paysage(s), l’événement croise de multiples regards et donne à voir un monde hors norme, transcendé par un imaginaire ardent.
« Cette édition ne racontera pas la guerre, elle parle de ceux qui vivent sur cette terre, certes en souffrance. Malgré tout, il y reste des poètes, les photographes que nous présentons en sont. Ils nous permettent d’appréhender leur monde, de nous évader, d’aller les uns vers les autres, à la découverte d’autres cultures. La curiosité n’est pas un vilain défaut ! »,
déclare Odile Andrieu Verguin, directrice générale et artistique des Promenades Photographiques. Pour sa 18e édition, le festival installé à Vendôme s’est construit autour du thème In situ paysage(s). Et de part et d’autre de la ville fleurissent des expositions, des panoramas, des jardins visuels où poussent des idées, des émotions, des récits.
Dans six lieux des photographes, mais aussi des étudiants et des collectifs se répondent et forment un parcours aux écritures multiples. Du documentaire aux explorations plasticiennes, des terres réelles aux décors de nos rêves, les paysages deviennent le reflet de notre existence, mais aussi de nos espoirs, de notre quotidien et de nos évasions. Une manière pour les Promenades de nous inviter à partir pour un voyage atypique – à la fois partout et nulle part.
© Robert Bui / DELTA
L’empreinte physique et temporelle
C’est à la Chapelle Saint-Jacques que débute notre périple. Depuis 2021, cet espace accueille le Collectif Delta, composé d’anciens étudiants ayant participé au Campus International du festival, et leur donne carte blanche. Une mission que les membres du réseau prennent plaisir à accepter. Au cœur de la chapelle, les auteur·es (Mathilde De Keukelaere, Cloé Harent, Simon Lefebvre, Robert Bui, Louise Schmidt et Filip Pechevski) croisent leur regard et tentent de définir leur vision de l’empreinte physique et temporelle dans le paysage. Une œuvre multiforme reliée à l’aide d’un fil rouge, passant le long de chaque installation, symbolique de la connexion que partagent les artistes ainsi que du « sang » versé par les photographes pour rapporter et partager au monde des images. Le clou du spectacle ? Dans une salle nichée au fond de l’espace, les images de Robert Bui, tirées de la série Au Pluriel illustrant son rapport au polyamour, croisent avec une délicatesse touchante les courbes des corps à celles de montagnes dans un noir et blanc intimiste.
Aux Écuries Rochambeau, le Prix Mark Grosset-SAIF donne à voir les créations de jeunes artistes issu·es d’écoles internationales de photographie. Sur les murs trônent des créations réalisées par les lauréats du concours durant trois semaines de résidence. Un espace divisé en deux catégories : documentaire et plasticienne, affirmant l’inventivité des photographes émergents. Martin Becka investit quant à lui l’une des salles du Musée de Vendôme. Ses Territoires Multiples révèlent son goût pour la matière et son approche archéologique de l’environnement. En fouillant, déplaçant, coupant, reconstituant les espaces, il propose une véritable plongée dans un territoire fantasmé aux portes du réel. Une manière de se laisser emporter par sa lecture du temps en reprenant notre souffle à la surface des clichés.
© à g. Benoît Méjean, à d. Marion Godric
Mettre les sens en effervescence
Mais c’est au Manège de Rochambeau que In situ paysage(s) prend toute son ampleur. Pour sublimer la thématique, l’espace principal du festival se scinde en différents îlots capables de capturer l’univers des quinze photographes présentés. Accrochages minimalistes, salles obscures, projections vidéo et installations contemporaines se croisent pour illustrer avec précision les propos de leurs créateur·ices. Ainsi, Benoît Méjean partage une enquête énigmatique intitulée Reliqua desiderantur. Un thriller policier aux nuances abstraites dont l’issue ne peut que susciter notre étonnement : « quelqu’un a disparu… Et je me demandais si ce ne serait pas moi – par hasard. Je commence les recherches ». Dans cet enchevêtrement de clichés-énigmes étendu à hauteur du regard comme des pièces à conviction, le public est averti : la solution est peut-être sous ses yeux.
Non loin de là, Louis-Colin Andrieu propose quant à lui une virée atypique dans un monde obscur. Aux portes de la nuit, dans une salle saturée de noir, ses œuvres brillent comme autant d’étoiles scintillantes nous guidant vers un monde à part où les détails se brouillent, le sinistre côtoie le merveilleux et le rêve chavire dans le cauchemar.
Nos pas nous mènent ensuite vers une salle rouge sang portant les photomontages de Christine Spengler représentant ses idoles : Frida Kahlo, Marguerite Duras, La Callas et Greta Garbo, mais aussi sa tante Marcelle, Christian Lacroix et Rossy de Palma. Dans un documentaire passionnant, l’artiste et conteuse revient sur ses nombreuses expériences, de son enfance à Madrid au décès de son frère, de l’influence de la tauromachie et de la religion sur son œuvre à sa recherche constante de la mort dans l’image.
Un élan de grâce que l’on poursuit avec Marion Godric et ses Cadavres exquis. Dans de vieilles malles de famille, elle déniche des trésors : des portraits d’un autre temps d’enfants distraits, de jeunes femmes à l’apparente sagesse, et d’hommes en partance pour la guerre. À ces clichés, elle ajoute des papiers à motifs et aux couleurs vives et des vers littéraires chargés de symbolisme. De ces assemblages émergent des œuvres hybrides mettant les sens en effervescence. Des fragments surréalistes d’un passé imaginé que l’on se plaît à visiter.
© William Daniels
© à g. Matthias Benguigui / Agathe Kalfas, à d. Cristina Dias De Magalhaes
© Martin Becka
© à g. Christine Spengler, à d. Thierry Cardon
© Marjolaine Vuarnesson
© Rémi Carayon
© Louis-Colin Andrieu
Image d’ouverture: © Louis-Colin Andrieu