Allan Salas décline les métaphores du deuil

01 septembre 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Allan Salas décline les métaphores du deuil

Bouleversé par deux tragédies familiales, Allan Salas s’est isolé au bord de mer, au contact de la nature. Là-bas, il construit The rooted heart began to change. Un projet métaphorique, explorant la notion de deuil, et notre relation à la mort.

« L’incertitude est essentielle. Mon approche est intuitive, spontanée, chaotique. Je l’imagine comme des émotions en dérive, qui se fracassent contre des rochers »

, déclare Allan Salas, 27 ans. Installé à Costa Rica, le photographe explore, à travers ses projets, les notions de mortalité, de temps qui passe et notre relation à la nature. En décembre 2020, sa grand-mère paternel décède. Un mois plus tard, son père survit à une crise cardiaque. Une suite d’événements qui pousse l’artiste à s’isoler, au bord de mer, loin de tout. « J’ai logé dans une maison qui me rappelle mon enfance. J’avais besoin d’être seul pour faire le point sur mes sentiments. En mars 2021, j’ai initié The rooted heart began to change. C’était un moyen de questionner mon rapport au deuil, et d’explorer les doutes existentiels qui m’assaillaient », raconte-t-il.

Perçu comme un journal intime à ciel ouvert, le projet emprunte au genre poétique, et se transforme, grandit, devient l’écho du réel – le réel qui entoure Allan Salas. « Ce qui m’intéresse, en photographie, est de créer quelque chose d’émotionnel, de réaliser des images suggestives, ouvertes à toute interprétation », précise-t-il. Un mélange d’abstractions et de métaphores, qu’il peine à expliciter à travers le langage. Et, de ces bulles imagées, naissent des récits, des excursions dans son subconscient, qui l’aident à avancer.

© Allan Salas© Allan Salas

Éternité et fugacité

Perdu, dans ce paysage sauvage, Allan Salas se prend à tout associer à la mort. Les arbres nus, les fleurs fanées, l’écume des vagues, lissées par un monochrome mélancolique, deviennent des allégories du chagrin. Dans cet univers à la beauté silencieuse, la tristesse et la perte de l’autre semblent latentes. Une douleur sourde égrainant les notes d’une mélodie morose. « Si ce processus ne m’a pas paru thérapeutique sur le coup, je suis persuadé qu’il le deviendra », commente le photographe. Car, face à la nature, une autre temporalité surgit – plus ancienne, moins fragile. Au contact des éléments, l’existence humaine apparaît finalement comme éphémère, dérisoire dans la grande évolution du monde. « Ils deviennent un décor, en relation avec notre “moi”. Une nouvelle narration émerge alors, et donne à voir une atmosphère pleine d’ambiguïté, de changements soudains, qui modèlent notre vie », commente-t-il.

Cette incertitude, l’auteur l’illustre notamment dans la délicatesse d’une image : « on y voit un oiseau posé sur un doigt. Il s’agit de celui de mon père, six mois après sa crise cardiaque. Une métaphore représentant à la fois ma peur de la mort, le déclin du corps, et la fragilité de l’existence. Il y a l’oiseau blanc à la place de son cœur. Les grains de beauté sur sa poitrine. Les veines sur sa main. Et le doigt qu’il a perdu. » Entre éternité et fugacité, force et vulnérabilité, sagesse et crainte, The rooted heart began to change illustre les pensées en pagaille d’un artiste en recherche de soi. Le constat terrible de l’impermanence du vivant. L’anxiété résolument humaine face à l’inconnu.

© Allan Salas© Allan Salas
© Allan Salas© Allan Salas

© Allan Salas

© Allan Salas© Allan Salas
© Allan Salas© Allan Salas
© Allan Salas© Allan Salas

© Allan Salas

Explorez
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Sidewalk Stills © Charles Negre
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Dans Sidewalk Stills, le photographe français Charles Negre offre un regard sensible sur les déchets qui parsèment les sols des marchés...
29 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
© Thomas Paquet. Vignettage
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
À l’occasion du Paris Gallery Weekend, la Galerie Thierry Bigaignon présente, jusqu’au 31 mai 2025, une exposition personnelle de...
29 mai 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
instax Wide Evo™ : l’alchimie instantanée selon Mathias Benguigui et Jonathan Bertin
© Jonathan Bertin
instax Wide Evo™ : l’alchimie instantanée selon Mathias Benguigui et Jonathan Bertin
Avec son nouveau boîtier instantané, instax™ de Fujifilm propose une promesse audacieuse : faire de chaque cliché un chef-d’œuvre. Afin...
28 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Folle nuit, Québec et désordre : nos coups de cœur photo de mai 2025
© Chris Mann
Folle nuit, Québec et désordre : nos coups de cœur photo de mai 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
28 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le  7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
© Omar Victor Diop
Le 7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
Troisième invité du cycle "Le 7 à 9 de CHANEL", le photographe sénégalais Omar Victor Diop a offert au public du Jeu de Paume un moment...
30 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Sidewalk Stills © Charles Negre
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Dans Sidewalk Stills, le photographe français Charles Negre offre un regard sensible sur les déchets qui parsèment les sols des marchés...
29 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
© Thomas Paquet. Vignettage
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
À l’occasion du Paris Gallery Weekend, la Galerie Thierry Bigaignon présente, jusqu’au 31 mai 2025, une exposition personnelle de...
29 mai 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche