À travers Beak, série photographique aux influences picturales, l’artiste française Sophie Alyz aborde, de manière atypique, les enjeux écologiques actuels.
Journaliste culturelle de formation, Sophie Alyz s’est tournée vers la photographie en 2005. « Pour une raison que j’ignore, il m’est devenu très difficile d’écrire, pourtant, j’avais toujours besoin de raconter des histoires. Je baignais dans l’univers culturel, visitais de nombreuses expositions, côtoyais des artistes… C’est donc naturellement que je me suis tournée vers la photo », confie-t-elle. Aujourd’hui professionnelle – formée notamment à la nature morte et au portrait – elle dirige son travail personnel vers l’homme et sa relation à l’environnement. « J’envisage aussi le 8e art comme un objet avec lequel il est permis de jouer : procédés anciens, Polaroids, destruction de tirages, encre, peinture, etc. », précise-t-elle
Un goût pour l’expérimentation que l’on retrouve dans Beak, récit conceptuel et engagé aux accents picturaux. « En descendant d’un train, l’été dernier, en Suisse, j’ai été frappée par le chant des oiseaux qui résonnait partout, couvrait presque le bruit de la circulation. Si je savais déjà qu’ils avaient fui Paris, j’en prenais pour la première fois vraiment conscience », se souvient-elle. Démarre alors une narration faussement candide, représentant ces animaux dans des trains en partance pour la Suisse.
Une lecture à contre-courant de l’état du monde
« La réalité est, bien sûr, tout autre : d’après la Ligue Protectrice des Oiseaux (LPO) trois moineaux sur quatre ont disparu de Paris en 13 ans, et un tiers des oiseaux, toutes espèces confondues, a disparu des campagnes françaises en 17 ans »,
explique Sophie Alyz. Les causes ? Les pratiques agricoles, l’intensification de l’urbanisation, ou encore la chasse. Pourtant, malgré ces constats alarmants, Beak se lit comme un doux poème aux espèces animales. Une histoire tendre et décalée, abordant, en contrepoint, l’urgence écologique. « J’ai du mal à faire passer un message en “criant”, j’ai toujours l’impression qu’il va rater sa cible », précise la photographe.
Véritables aquarelles, ses images, retravaillées à l’encre ou à la peinture deviennent organiques, comme issues de la nature elle-même. Inspirée notamment par le peintre danois Vilhelm Hammershøi, célèbre pour son refus de se conformer à la modernisation de l’art, l’auteure propose une lecture à contre-courant de l’état du monde. Ses paysages sauvages comme urbains, et portraits lyriques d’espèces d’oiseaux révèlent, élégamment, la richesse de notre planète. Au cœur d’un flux d’images constant et violent, ses créations deviennent des oasis paisibles, alertant néanmoins d’un péril imminent.
© Sophie Alyz