Dans Kids of Hate and Love, le photographe américain Mike Belleme capture la vie de ses amis les plus proches – et ce, depuis 12 ans. Le temps s’écoule et les rêves s’estompent pour cette bande de skateurs, qui peine à tourner la page. Un récit entre nostalgie et résilience.
« Avant la photographie, il y avait le skate. Rien d’autre n’a pu capturer l’intensité et la plénitude de mon être comme le skateboard l’a fait pendant une douzaine d’années de ma vie »
, confie le photographe Mike Belleme, originaire de la Caroline du Nord. Il saisit dans son travail une nostalgie partagée par toute une génération d’ex-skateurs, ayant grandi dans les années 90. Pour l’artiste, la photographie est liée à la pratique. « Je portais mon appareil photo quand je partais faire du skate. Je n’ai jamais été intéressé par les images de figures typiques. Il s’agissait plutôt d’attraper les émotions de mes amis. Quand on sautait des barrières, quand les flics nous couraient après, etc. », se souvient l’auteur. Comme pour retenir le temps, l’artiste immortalise une jeunesse qui s’éloigne à mesure que les rêves s’effacent.
Des premiers boulots aux premiers enfants, Mike Belleme fait le récit d’une bande de potes entrant dans l’âge adulte. Le fil rouge ? Leur passion commune. « Mon amour pour la photographie a pris le pas sur le skate. C’était excitant, mais ça m’a aussi fait peur », poursuit le photographe. « Cette dichotomie émotionnelle – ma passion pour le travail photo et la crainte de perdre ce que j’avais – est devenue la raison principale de ce projet, poursuit-il. J’explorais une sous-culture qui a façonné ma vie à travers un médium qui le remplaçait lentement ». On retrouve les mêmes sujets, année après année, dans leur voyage à travers la vie. En résulte une œuvre honnête et attachante, nourrie des sentiments les plus intimes.
Entre acceptation et résignation
Œuvre intimement vivante, Kids of Hate and Love traduit la complexité de nos émotions les plus ordinaires. Au départ, rythmées et dynamiques, les images exaltent les espoirs d’une jeunesse libre et ambitieuse. « Elles traitent de toute la gamme d’émotions intenses qu’on ressent quand on donne tant de soi-même. Quand on se donne entièrement, et qu’on pousse notre corps jusqu’au bout ». Avec l’âge, s’ajoutent à cette ardeur des niveaux de lecture nuancés, parfois paradoxaux, entre acceptation et résignation. C’est quand il voit ses amis vivre les mêmes transitions que lui, tiraillés par des choix professionnels ou familiaux, que son projet prend un nouveau sens : une trace tangible d’un passé partagé. « Je les ai vus essayer d’équilibrer leurs vies entre les différentes péripéties et leur amour du skateboard », précise-t-il.
De l’euphorie à la mélancolie, de l’amour à la peine, un air de Peter Pan plane sur ces images. Car Mike Belleme raconte avec grande sincérité, le passage à la maturité. Témoignage poignant de ces parcours entrecroisés, cette série nous invite à ressentir leurs frustrations, et leurs envies, sur un fond de poésie du banal. « Avec l’âge, viennent de nouvelles perspectives. Tout cela commence à sembler un peu moins important. Mais au fond, c’est seulement le skate qui ne l’est pas. Ces images sont une façon de me souvenir de la partie qui compte réellement », conclut le photographe. Les visages vieillissent, et les envies changent, mais les amitiés tiennent la route, avec ou sans skate.
Kids of Hate and Love © Mike Belleme