Pour sa seconde édition, le Prix de la Maison Ruinart soutenu par la Fondation Picto, présente Heatwave, une série d’Elsa Leydier, à Paris Photo. Un projet minimaliste et écologique inspiré par la lumière.
Récompensée par le Prix de la Maison Ruinart et exposée dans le secteur Curiosa de Paris Photo, Elsa Leydier réalise des œuvres « mettant à mal les images iconiques et les discours qu’elles portent souvent sur les territoires et identités ». C’est durant une année à l’étranger, alors qu’elle est étudiante en langues que l’artiste se tourne vers le 8e art. « Là-bas, j’ai été marquée par le décalage entre ce que je pouvais vivre au quotidien dans ce pays qui m’était peu familier, et ce que j’imaginais du lieu avant de le connaître. J’ai alors pris conscience du pouvoir de la photographie », raconte-t-elle. Aujourd’hui installée à Rio de Janeiro, Elsa Leydier construit un univers singulier, mariant créations personnelles et images iconiques « représentatives » d’un territoire. « Mon travail est un moyen d’alerter sur des sujets qui se trouvent dans l’ombre des discours dominants, et qui méritent cependant tout autant de visibilité », déclare-t-elle. À travers ses séries, elle dénonce le tropicalisme et propose une version rééditée de notre imaginaire visuel.
Dans le cadre de la Résidence Ruinart, la photographe s’est rendue plusieurs jours à Reims, afin de découvrir le processus de fabrication du champagne. Un voyage organisé durant la période de vendange, un moment décisif pour la marque. « Cela m’a fait réaliser à quel point l’élaboration d’une telle boisson de ne devait rien laisser au hasard », commente-t-elle. Adepte des travaux engagés, elle décide de réaliser Heatwave, une série inspirée par le réchauffement climatique. « Nous étions en plein mois de septembre, habituellement frais à Reims, pourtant les vendangeurs travaillaient par trente degrés, sous un soleil de plomb », précise l’artiste. Une étrange luminosité qui guide son projet.
Le goût de lumière
Dès ses premières recherches, Elsa Leydier a été intriguée par la notion de « goût de lumière » – une altération des arômes du champagne si celui-ci est exposé trop longtemps aux rayons lumineux. « J’aimais penser que la lumière pouvait être un dénominateur commun entre l’alcool et la photographie, et j’avais décidé de partir sur cet axe », se souvient-elle. Sur place, en revanche, l’auteure découvre la température anormale, poussant les artisans à avancer les vendanges de plusieurs semaines. Une récolte déjà amputée par les périodes de canicules estivales. « Il me semblait nécessaire d’alerter sur ce qui est en train de se passer, poursuit la photographe. Tout en rendant hommage au savoir-faire des travailleurs, s’adaptant face à ce dérèglement pour réussir à créer un champagne avec le même goût chaque année. »
En plus des images shootées sur place, Elsa Leydier a réalisé des scans et des rayogrammes, en filtrant la lumière à travers les verres colorés des bouteilles, teintés pour protéger le liquide de ce « goût » étrange. Des images abstraites aux tons magenta soutenus. Une palette incandescente évoquant la chaleur des récoltes et du climat. Entre minimalisme poétique et expérimentations, l’artiste célèbre la beauté du produit et la précision de ses créateurs, tout en illustrant subtilement les limites écologiques de notre planète. « Une fragilité qui menace nombre de traditions centenaires et notre monde en général », soutient-elle. Un projet tout en nuances, mettant en scène une nature en danger.
© Elsa Leydier