Avec plus d’une centaine d’œuvres qui jalonnent trente ans de carrière, le musée Réattu propose une belle rétrospective de Véronique Ellena, dans le cadre des Rencontres d’Arles. Formée à l’école de La Cambre, à Bruxelles, l’artiste explore la photographie avec sa chambre 4×5 pour « aller chercher la beauté où elle se dissimule, dans le banal ».
C’est l’image d’un cycliste qui ouvre l’exposition. Une image qu’on retrouve sur l’affiche et en couverture du catalogue qui accompagne la rétrospective de Véronique Ellena au musée Réattu. Il n’a pas son vélo, ni son maillot recouvert de sponsors, mais un bronzage qu’on qualifie de cycliste. La main bandée et le regard tourné vers un ailleurs, avec une douce mélancolie qui flotte sur son visage. Cette image emblématique de Véronique Ellena est extraite de la série Ceux qui ont la foi pour laquelle la photographe a parcouru deux ans durant les classiques cyclistes, en Italie, en Espagne et en France. Ici, c’est lors du Dauphiné Libéré que Véronique a rencontré cet homme blessé, qu’elle a croisé en marge du podium des vainqueurs. Elle lui a demandé de poser devant sa chambre 4×5 en repensant au moment de sa chute. Alors d’un coup, ce coureur italien à l’air enjoué est rentré en lui-même et son regard s’est absenté, livrant au passage un air mélancolique que la photographe associe à la peinture italienne. Un air qu’on ne peut résumer avec des mots et qui fait tout le charme des photographies de Véronique Ellena.
Le cycliste, série « Ce qui ont la foi », 2003 © Véronique Ellena
Suites italiennes
L’Italie est un des fils conducteurs de cette rétrospective, et pas seulement parce que la photographe a des origines de l’autre côté des Alpes. On trouve deux « suites italiennes » dans ce parcours qui revisite trente ans de travail avec la complicité d’Andy Neyrotti, attaché de conservation au musée, qui signe ici son premier commissariat avec finesse. On trouve en effet des images de la série Les Invisibles, que l’artiste a réalisé à Rome, durant son séjour à la Villa Médicis. Se levant au petit matin, Véronique a arpenté les rues de la capitale italienne encore silencieuses pour apprivoiser la ville. Elle y a surpris les bruits de respiration des sans-abri, et le contraste entre les architectures majestueuses et ces personnes à demi-dissimulé l’a intrigué. En revisitant son œuvre, le commissaire d’exposition a même découvert un portrait d’un de ces invisibles que la photographe a pris à l’aube. Avec une présence incroyable, Angelo, puisque c’est son prénom, nous interpelle avec un regard fou d’une salle en marge des Invisibles, qui pour le coup s’incarnent avec force.
Série « Les Invisibles », 2011 © Véronique Ellena
Éloge du quotidien
Toujours en Italie, on trouve la maison de sa grand-mère italienne que la photographe arpente avec délicatesse. Avec sa chambre grand format elle enregistre tous les détails des objets restés en l’état depuis plus de vingt ans en les remettant en scène dans les lieux de son enfance. Il y a aussi les natures mortes réalisées à l’intérieur de la Villa Médicis, avec la complicité du personnel. De véritable Memento Mori dont la présence intrigue. La mise en scène est un autre des fils rouges de ce parcours dans le temps et dans l’espace. On y découvre les séries Les Dimanches, Les Supermarchés, Les Recettes de cuisine dans lesquelles les personnages jouent leur propre rôle dans des lieux retenus par la photographe. Un éloge de la vie quotidienne dans laquelle l’auteure recherche la beauté avec une empathie sincère pour les personnes qu’elle célèbre dans ses images. Pas de doute possible, Véronique Ellena fait partie de Ceux qui ont a foi. La foi dans la photographie.
Le lapin mort, série « Les Natures mortes », 2007 © Véronique Ellena
Le poulpe, série « Les Natures mortes », Rome, 2008 © Véronique Ellena
Rayon produits d’entretien, série « Les Supermarchés », 1992 © Véronique Ellena
Le petit déjeuner, série « Les Dimanches », 1997 © Véronique Ellena
Grenade, série « Les Natures mortes », 2007 © Véronique Ellena
Jusqu’au 30 décembre 2018
Véronique Ellena, Rétrospective
Musée Réattu
10, rue du Grand-Prieuré
www.museereattu.arles.fr