Alessandra Calò, photographe italienne, présente, au Festival Circulation(s), sa série Kochan. Un travail hybride, où dessin et photographie se mélangent pour former une exploration poétique et intime. Rencontre avec l’artiste.
Fisheye : À quel moment as-tu su que tu voulais être photographe ?
Alessandra Calò : J’ai toujours été passionnée par la photographie. Je n’ai pas eu de déclic. Le médium a toujours été un moyen de conserver mes souvenirs. Je suis entrée dans le monde de l’art seule, sans avoir fréquenté d’école. J’aime découvrir de nouveaux moyens de communication, et la photographie m’a permis d’aller dans d’autres directions. Aujourd’hui, je me définis comme une créatrice d’images, et non comme une photographe.
Quelles sont les images que tu aimes créer ?
Il y a bien un thème commun, qui relie tous mes travaux : la mémoire. Pour moi, il s’agit d’un état d’esprit lié à la réalité, et pas simplement un sentiment de nostalgie évoquant le passé. Dans mes photographies, j’essaie de mettre en avant une émotion, sans l’énoncer précisément.
Peux-tu nous parler de ta série Kochan ?
Dans ce projet, je travaille l’idée de voyage. Le voyage que chacun entreprend pour s’affirmer. Je présente le corps comme un territoire à explorer. Un périple qui se révèle difficile du fait de la relation complexe au corps.
Le titre du projet vient du livre Confession d’un Masque, de Jukio Mishima. Un ouvrage que j’avais beaucoup aimé. L’auteur utilise des bribes de son journal intime pour raconter le long voyage que fait Kochan, le protagoniste, pour découvrir son identité et son corps.
Comment t’es venue l’idée de travailler sur des cartes ?
J’ai commencé ce projet en 2016, lorsque j’ai découvert que la New York Public Library avait mis en ligne une grande partie de ses archives. J’ai passé des journées entières à observer les cartes, les manuscrits, les lettres… Ils me fascinaient tellement que j’ai décidé de les intégrer à mon travail, et de les combiner à une série d’autoportraits.
Pourquoi avoir choisi de combiner ces deux matériaux ?
Travailler avec ces documents me permettait de créer de nouveaux univers et de raconter de nouvelles histoires. Mais c’est aussi un véritable voyage dans l’image photographique. Mon objectif est d’immerger le spectateur dans ces narrations, comme s’il regardait un film ou lisait un livre. Les cartes de Kochan m’ont aidé à contextualiser le récit, à emmener le public dans un imaginaire spécifique : un voyage dans l’intime.
Et dans nos mémoires ?
Tout ce projet vient de la mémoire corporelle. C’est un chemin qu’il faut suivre, en s’aidant des signes que notre corps nous envoie, pour nous raconter une histoire. Un sentiment presque imperceptible. Kochan est un voyage personnel, ma manière à moi de parler de mon passé, des choses perdues ou oubliées. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai choisi d’être actrice de mon travail.
L’autoportrait t’est apparu comme indispensable ?
Oui. C’était un choix, de me mettre face à l’objectif. Dans les photographies, je suis nue, je suis moi-même : une présence physique et intellectuelle, sans artifice. Pour la première fois, je suis le sujet de ma propre recherche. Inspirée par une période de ma vie plus insouciante, j’ai essayé d’observer ce qui s’était passé en moi, et non autour de moi.
Quel rôle joue le corps, dans Kochan ?
Il va au-delà de son aspect matériel. Il tente de devenir quelque chose d’universel. C’est peut-être même une recherche autour du concept du genre – si le genre existe réellement. Je voulais me débarrasser des stéréotypes, des règles. Être libre de mes décisions. Mon corps vogue comme il le veut sur ce territoire, il suit ses propres directions.
© Alessandra Calo