New York in Black : le côté obscur de la force

12 janvier 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
New York in Black : le côté obscur de la force

En 2012, Christophe Jacrot photographie New York après le passage de l’ouragan Sandy et montre la face cachée d’une ville supposée ne jamais dormir. Un travail inédit à découvrir à la Galerie de l’Europe et qui s’accompagne d’un bel ouvrage, New York in Black.

Ici, pas de taxis jaunes, Broadway et la Cinquième avenue sont à peine reconnaissables. Christophe Jacrot vous montre la ville comme vous ne l’avez jamais vue : dans la pénombre et vidée de ses habitants. En 2012, dans la nuit du 29 au 30 octobre, « l’ouragan Sandy plonge New York dans le chaos. Lors de cette catastrophe, 375 000 personnes furent évacuées, et une grande partie de la métropole fut inondée et totalement privée d’électricité ». Ce décor, digne d’un thriller, semble parfait pour le photographe passionné par les aléas climatiques et les grandes villes.

« J’étais venu traquer la fragilité de Manhattan dans les intempéries, et j’ai assisté au spectacle d’une ville dépouillée de son éclat, mise à nue et désertée. Tout le sud de Manhattan avait été plongé dans le noir complet ; vision irréelle d’une ville inquiétante, fantomatique, mais belle, comme je ne l’avais jamais vue », raconte l’artiste heureux d’avoir pu immortaliser cette vue unique de Big Apple qui, d’habitude, ne dort jamais. On a beau analyser minutieusement chacune des images de l’ouvrage, les traces humaines sont quasi inexistantes. Un automobiliste par-ci, deux policiers par-là. Le silence et le vide nous plongent doucement dans l’Upside Down, cette autre dimension si anxiogène de la série Stranger Things. Ici, pourtant, pas d’angoisse. On redécouvre avec quiétude une ville que l’on ne connaît que trop bien et, cette fois, loin des touristes et du stress quotidien. Cette vision de New York invite à réfléchir à la notion de citadin ou encore au statut du citoyen dans la ville.

© Christophe Jacrot

La double face de New York

Cet ouvrage tout en noir fait suite au livre Snjór (« neige » en islandais, nldr) qui était lui, tout en blanc. À croire que le photographe est un homme qui cultive l’ambivalence. La lumière annonce les ténèbres, les intempéries font réfléchir à la vie et à la mort. Et finalement, qu’est-ce que le juste, le bon ? On conviendra ici que Luke Skywalker remporte la bataille face à Dark Vador et qu’il vaut mieux une promenade tranquille plutôt qu’une course effrénée contre le temps. Car si son ouvrage propose plusieurs lectures, il invite, entre autres, à réfléchir à la notion de citadin ou encore au statut du citoyen dans la ville. N’avons-nous pas oublié de regarder notre environnement ? Est-on capable aujourd’hui de décrire notre rue les yeux fermés ? Qu’est-ce que New York privée de ces gigantesques panneaux lumineux ? Une ville fantomatique pleine de mystères.

Si certains voient ici un parfum de fin du monde ou une porte d’entrée vers les ténèbres, ce travail est au fond plutôt positif. En ces temps sombres où les États-Unis subissent les extravagances tantôt racistes, tantôt machistes de Trump, on retiendra que, dans le noir, tous les chats sont gris et que c’est la pénombre qui nous invite à véritablement ouvrir les yeux. Une réflexion à prolonger à la Galerie de l’Europe jusqu’au 13 janvier. Une sélection plus large d’images de l’artiste sera présentée dans ce même lieu du 24 janvier au 4 février.

 

© Christophe Jacrot

© Christophe Jacrot

 

© Christophe Jacrot

© Christophe Jacrot

New York in Black, h’Artpont Editions, 50 €, 60 p.

Explorez
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
L'eau du fleuve parle à celui qui écoute © Antoine Boissonot
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
Antoine Boissonot embarque sur la Loire à bord d’un canoë pour un voyage photographique introspectif. Se laissant porter sur l’eau...
07 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Issei Suda, chroniqueur d’un Japon entre deux mondes
© Issei Suda
Issei Suda, chroniqueur d’un Japon entre deux mondes
Le Centre de la photographie de Mougins présente, jusqu'au 8 juin 2025, une exposition sur le photographe japonais iconique Issei Suda.
29 avril 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Stefan Dotter, dans le sillage des femmes de la mer
© Stefan Dotter
Stefan Dotter, dans le sillage des femmes de la mer
Photographe allemand installé à Tokyo, Stefan Dotter signe, avec Women of the Sea, une immersion sensible au cœur d’une tradition...
25 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
11 séries photographiques qui mettent le Brésil à l’honneur
© Alice Quaresma
11 séries photographiques qui mettent le Brésil à l’honneur
L’année 2025 est marquée par la saison France-Brésil. Ce programme a pour ambition de renforcer les liens entre les deux pays en nouant...
23 avril 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Niger à travers une mode émancipatrice et...
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
© No Sovereign Author
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
La santé mentale est la grande cause de l’année 2025 en France. Pour cette occasion, la rédaction de Fisheye vous invite à (re)découvrir...
07 mai 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
L'eau du fleuve parle à celui qui écoute © Antoine Boissonot
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
Antoine Boissonot embarque sur la Loire à bord d’un canoë pour un voyage photographique introspectif. Se laissant porter sur l’eau...
07 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger