En 2011, alors qu’il était en Irlande pour ses études, Jonathan Pivovar reçoit un colis surprise pour son anniversaire. Il provient de sa famille. Il découvre dans ce paquet un sac contenant les cendres de sa grand-mère défunte. Depuis maintenant 6 ans, il disperse quelques cendres au cours de ses voyages. Il signe avec All the Things I Never Got to Do with My Grandmother, une série surprenante et poignante.
C’est parce que sa grand-mère avait des origines irlandaises que les cendres lui ont été confiées. « L’idée était de répandre les cendres de ma grand-mère dans quelques endroits d’Irlande et de photographier ces lieux », nous raconte Jonathan Pivovar. Plus il avançait dans son projet et plus il se rendait compte qu’un seul pays ne suffirait pas. C’est vers l’Europe tout entière qu’il s’est tourné. Aujourd’hui, il a parcouru plus d’une trentaine de villes. Il a ainsi voyagé dans des endroits que sa grand-mère aurait aimé découvrir et où, physiquement « elle n’aurait pas été capable d’aller ». Il nous avoue avoir été dans « des lieux où [il ne serait] jamais allé de [lui]-même. » La majorité de ses photos ont été effectuées à la chambre noire par des inconnus ou des amis. Il a accepté de perdre le contrôle sur le processus photographique : « Si je réglais l’exposition, ils étaient maîtres de la composition. » Flous non désirés, images sous exposées, il nous révèle avoir une préférence pour les images « paraissant être des ratées.»
La photographie et ses vertus thérapeutiques
Singulier, déroutant, ce projet est surtout affectif. « Je voulais que ma famille puisse tourner la page, surtout ma mère ». Aujourd’hui, la photographie est devenue un moyen de « développer une relation entre [sa] grand-mère et [lui] ». Car Jonathan Pivovar était proche de sa grand-mère – ils se parlaient au téléphone, se voyaient pendant les vacances – il n’a jamais vraiment eu « l’impression d’avoir construit un réel lien avec elle ». La venue de ce colis a provoqué un déclic : « J’ai senti que c’était le bon moment pour me connecter à elle ». Jonathan a toujours cru à la preuve par l’image. Plus jeune, il considérait la photo comme un moyen de prouver l’existence de sa réalité : « Parce qu’il y avait une photo, il y avait une preuve que j’y étais et qu’il s’était vraiment passé quelque chose ». Privé de son appareil photo, l’instant lui échappait. Aujourd’hui, il a appris à fabriquer des images pour « créer l’illusion de la preuve ». À travers All the Things I Never Got to Do with My Grandmother, il a pu fournir les preuves d’un souvenir d’ « une relation qui n’existait pas avant. »
Images par © Jonathan Pivovar