À l’occasion du 50e anniversaire des Rencontres de la photographie d’Arles, Fisheye a recueilli les propos d’Agnès de Gouvion Saint-Cyr. Entrée comme « petite main » du festival en 1970, elle en deviendra la directrice artistique 20 plus tard.
Fisheye : Depuis quand participez-vous aux Rencontres d’Arles?
Agnès de Gouvion Saint-Cyr : J’étais là dès la première année, en 1970. À l’époque, je terminais mes études de danois et d’histoire de la danse. Je travaillais dans une librairie parisienne pendant mes vacances quand j’ai rencontré Lucien Clergue, qui avait déjà exposé dans ce lieu. Il cherchait une « petite main » qui parlait plusieurs langues et qui pourrait l’aider bénévolement à une manifestation qu’il allait organiser quelques mois plus tard.
Quels étaient vos rapports à la photographie à cette époque?
Je n’avais pas de connaissance photo, sauf la photographie anglaise du XIX e siècle, que j’avais étudiée à la Sorbonne et à Cambridge. À cette époque, il y avait très peu de livres photo ! J’ai travaillé aux Rencontres jusqu’à ce que le ministère de la Culture me demande un rapport sur l’édition en photographie, en 1973. La personne qui m’a appris mon métier dans le domaine des expositions et de l’organisation, c’est Jean-Maurice Rouquette [conservateur, historien et fondateur des Rencontres d’Arles, ndlr], à qui je dois tout ou presque.
Je me souviens qu’il me disait avec son accent : « Il ne faut pas faire de trou de gruyère dans les monuments historiques. » J’étais donc une « petite main » qui s’occupait de la logistique, de l’accueil des personnalités étrangères pour lesquelles j’assurais l’interprétation, et de mille autres choses. Mais les Rencontres, c’était pour les vacances, le reste du temps j’enseignais les langues, et c’est en 1976 que j’ai été rattachée au ministère de la Culture.
© Véronique Vercheval
Un peu plus tard, en 1990, vous avez dirigé les Rencontres…
Cette année-là était particulière, les Rencontres étaient au bord du déficit. Claude Hudelot [le directeur des deux éditions précédentes] avait laissé l’association dans un état économique épouvantable, et personne ne savait quoi faire. Après une discussion entre le maire, Lucien Clergue et le ministre de l’époque, Jack Lang, il a été décidé que je m’y colle. J’ai continué de travailler pour le ministère tout en assurant cette tâche de récupérer de l’argent. Bien entendu, je faisais ça bénévolement : je n’ai jamais reçu un centime des Rencontres !
La décision a été prise au printemps, et il fallait que je monte le programme en trois mois. L’avantage que j’avais, c’est que je connaissais des gens dans le domaine de la photographie et que je pouvais appeler un certain nombre de photographes, de musées… J’avais décidé de travailler sur l’Europe de l’Est/l’Europe de l’Ouest [le mur de Berlin était tombé en novembre 1989], et je connaissais les conservateurs des musées russes, autrichiens, estoniens… donc j’ai travaillé avec eux. À Berlin, le musée était traversé par le mur, et j’entendais les coups de pioches. Puis j’ai obtenu un peu d’argent de la part d’industriels pour passer quelques commandes, dont une à Raymond Depardon sur une traversée de l’Europe de l’Est.
Cet entretien est à retrouver en intégralité dans le hors-série #6 : Arles, 50ans de Rencontres.
© Joël Meyerowitz