Tous deux installés à Paris, Anderson Jeronimo et Clément Poché, nos coups de cœur #423, croisent narrations et recherches plastiques. L’un s’inspire de son expérience en tant qu’immigrant, et l’autre dénonce une solution inadaptée face à l’urgence environnementale.
Anderson Jeronimo
« Avec mon premier boîtier instantané, j’ai réalisé que la photographie pouvait être une forme de dialogue entre les gens, ainsi qu’avec moi-même. Comme un miroir à travers lequel je me construisais et me reconstruisais »,
confie Anderson Jeronimo. Né au Brésil en 1982, le photographe s’est tourné vers le 8e art à l’âge de 16 ans, commençant à capturer le monde de manière intuitive, avec le Polaroïd de son père. Après plusieurs collaborations avec des magazines et l’obtention d’un diplôme en design de mode, il s’envole pour l’Europe en 2016, et pose ses valises à Paris. Un périple qui l’inspire et nourrit ses créations. « Ces dernières années, j’ai photographié mon expérience d’immigré. Je fige des extraits de ce que je vois, ce que je vis. J’aime aussi l’expérimentation visuelle et l’abstraction conceptuelle », précise-t-il. Man Ray, Claude Cahun, André Kertész, Jean-Paul Goude… Entre la poésie nostalgique de l’argentique et le raffinement du studio, Anderson Jeronimo capte les corps, les vibrations, les émotions des instants. Aux frontières du fantastique, ses compositions jouent avec la double exposition pour suggérer plutôt que documenter. Suggérer un univers illusoire où l’évasion va de pair avec la tendresse, où le réel perd pied pour laisser place aux possibles.
© Anderson Jeronimo
Clément Poché
Photographe autodidacte, Clément Poché s’est d’abord formé au BAL, où il a travaillé en tant que chargé de production. « Cette formation du côté de la réalisation des expositions m’a permis de découvrir différentes facettes du médium. Cela a influencé ma pratique et mon positionnement en tant qu’auteur », explique-t-il. Fort de cette double expérience, il développe aujourd’hui une œuvre aux confins du documentaire et de la recherche plastique, croisant son goût pour la scénographie et ses interrogations engagées. « Mes recherches visuelles s’organisent autour de questions sociétales liées à l’homme et à son environnement, dans lesquelles je développe un mode opératoire propre en fonction du but recherché », poursuit-il. Un mélange parfaitement retranscrit dans Fix Nature : « La série est née de l’envie d’utiliser le scotch Gaffer que je manipulais lorsque je travaillais au BAL. Il était utilisé lors des montages d’expositions ou pour les conférences », confie le photographe. Accrochant, à l’aide du matériau, une nature aussi colorée qu’artificielle contrastant avec un ciel d’un bleu presque surréel, Clément Poché poursuit « une entreprise illusoire ». Aussi délicates que brutales, ses créations nous renvoient à notre volonté de dompter l’environnement, à notre incapacité à réagir face aux catastrophes imminentes. « Réparer la nature à l’aide d’une solution industrielle comme le plastique revient à s’obstiner dans une voie inadaptée », conclut l’auteur.
© Clément Poché
Image d’ouverture : © Anderson Jeronimo