Quel peut être le rapport entre le Grand Palais et le Rassemblement national ? Surtout quand on connaît les scores électoraux faméliques que réalise le parti d’extrême droite dans le centre de la capitale. La réponse est à chercher dans la triangulation Arles, Perpignan et Paris. En effet, ces trois villes accueillent des manifestations photographiques majeures : les Rencontres d’Arles, Visa pour l’Image et Paris Photo. Or une lourde menace pèse sur chacune d’elles à l’horizon 2020, et il serait sûrement bon d’identifier les différents scénarios à cette échéance. Pour Visa, la menace est la plus claire, elle s’appelle Louis Aliot : le compagnon de Marine Le Pen ne cache pas ses ambitions, et la ville lui semble promise. Ayant loupé de peu sa conquête en 2014, Louis Aliot a été élu député de la circonscription de Perpignan en 2017, devenant ainsi l’un des huit élus frontistes à l’Assemblée nationale. Le score récent du Rassemblement national aux élections européennes dans la ville est supérieur à 30 %, dix points devant La République en marche, et une droite qui a quasiment disparu. Louis Aliot, pressenti un temps pour prendre la tête de la liste européenne de son parti, a décliné en déclarant : « Je préfère Perpignan à toute autre forme d’engagement politique national et européen. » Un choix fort qui va sûrement porter ses fruits en mars 2020. Face à cela, on a eu un premier aperçu des conséquences possibles en 2014 avec Jean-François Leroy, patron historique du festival, qui marquait une différence nette avec Louis Aliot. « Il me semble évident que les valeurs de M. Aliot et celles que partagent Visa pour l’Image, son public et les photojournalistes qui parcourent le monde pour nous informer, sont pour le moins éloignées. » Tout en laissant la place à une collaboration possible. « Quelle serait sa décision s’il était à la tête de la ville ? Souhaiterait-il maintenir un festival comme Visa pour l’image sans le museler et en lui laissant une totale liberté d’expression, comme cela a toujours été le cas sous les trois municipaliteés que nous avons connues ? », s’interrogeait Jean-François Leroy. Une question à laquelle Louis Aliot répondait déjà par la positive il y a cinq ans : « J’affirme, je dis et je répète que la diversité et l’offre culturelle sont des atouts pour notre ville et notre région, et que je ne compte pas m’immiscer dans les affaires culturelles déjà existantes. Elles ont leurs publics, leurs habitudes, leurs organisations et bénéficient d’une totale liberté d’expression. Liberté à laquelle je suis totalement attaché. » Tout en ajoutant : « Il faudra compléter cette offre par d’autres initiatives ou créations. » Évidemment, on pense à ce qui a pu se passer à un niveau culturel dans d’autres villes passées sous le contrôle de l’extrême droite, notamment à Orange. Jean-François Leroy devra faire connaître sa position en cas d’élection de Louis Aliot. Car même si ce dernier se montrait « bienveillant » vis-à-vis du festival, serait-il acceptable de se faire financer et de célébrer le photojournalisme au côté du Rassemblement national ? Cela semble compliqué.
Pour Arles, la menace RN est aussi d’actualité, surtout depuis les élections européennes où le parti de Marine Le Pen a fait un raz-de-marée qui laisse la succession d’Hervé Schiavetti (PCF) – qui ne se représentera pas – bien incertaine. Le candidat RN n’est pas connu, pas plus que celui de La République en marche, même si la candidature de Patrick de Carolis semble se dessiner. Originaire de la ville, l’ancien patron de France Télévisions a acquis une maison, entre les arènes et la place du Forum, qui a appartenu à Jean-Pierre Camoin – seul maire de droite ayant dirigé la municipalité. Il ne faut évidemment pas oublier David Grzyb, issu de l’actuelle majorité, et qui fait déjà campagne depuis un moment. Si la menace RN n’a jamais été sérieusement prise en compte à Arles, il faut désormais s’activer et voir ce qu’il adviendrait des Rencontres dans le cas d’un édile de tendance brune. La cohabitation semble encore une fois ardue.
Enfin, pour Paris Photo, le danger n’est pas dans les élections, mais dans les pharaoniques travaux qui adviendront en décembre 2020. Cela veut dire que la foire perdra, pour deux éditions au minimum, son écrin qui lui a donné son statut unique depuis 2011. Car soyons clairs, aucun bâtiment temporaire ou autre lieu à Paris ne peut rivaliser avec la plus belle verrière du monde. Cette période de transition, face à une concurrence qui se renforce à Londres et Shanghai notamment, sera décisive. Il faudra trouver les bonnes réponses pour ne pas perdre ce leadership qui va être rudement attaqué lorsque le chevalier devra mettre le pied à terre. Sans prédire la venue du roi de la nuit, la bataille s’annonce rude.