Depuis l’annonce du Brexit, Sam Gregg s’interroge sur l’identité britannique. En rentrant dans son pays natal, il amorce Blighty, un projet consacré aux habitants d’East London, un quartier historique et multiculturel de la capitale.
Né en 1990 au Royaume-Uni, Sam Gregg, photographe documentaire avide de découverte, construit ses projets en voyageant d’un pays à l’autre. Après avoir documenté la fascinante noirceur de Naples, l’auteur est retourné dans sa terre natale, un pays divisé, portant la marque du Brexit. « L’identité nationale a été un sujet de conversation constant dans les médias britanniques. Mais après plusieurs années à vivre à l’étranger, je me sens détaché de ma patrie, confie le photographe. J’ai décidé de capturer cette étrange sensation ; j’ai vite réalisé que je n’avais pas oublié que j’étais britannique, je ne l’avais jamais vraiment su. »
Ainsi est né Blighty – terme affectueux que les anglais réservent à leur pays – une série émouvante de portraits d’étrangers, de rencontres d’un jour. Une mosaïque humaine illustrant la diversité de Londres et de ses résidents. « Cette série pourrait bien être un voyage personnel, une exploration intime. Mais elle est aussi dédiée à ces quelque 56 millions d’habitants qui se demandent ce que cela signifie d’être anglais en 2019 », précise Sam Gregg. Nostalgie, douleur, doute, défiance se lisent dans les regards des personnes capturées. En jouant avec les contrastes, le photographe construit des mises en scène dramatiques et captivantes. Une immersion dans une société en quête de réponses.
L’âme d’East London
East London, ses pubs millénaires, ses maisons de briques rouges, ses cafés-restaurants servant des plats aussi gras que réconfortants… . « Toutes ces institutions emblématiques, datant d’avant la seconde guerre mondiale, sont sur le point de disparaître. La gentrification métamorphose ce quartier depuis une dizaine d’années, cependant East London est toujours considéré comme le cœur ouvrier de la ville », raconte l’artiste. Un lieu situé près de la Tamise, qui promettait à l’époque du travail et des loyers peu onéreux aux cols bleus. Dans la foule de la capitale anglaise, Sam Gregg a sublimé quelques individus ; des anonymes, aux traits frappants, une poignée de protagonistes représentant l’âme de ce quartier. Un hommage au rôle considérable qu’il a joué dans le développement de Londres.
« Les défenseurs du Brexit utilisent la dissolution de la culture de l’est de Londres comme une raison de quitter l’Union européenne. Je me suis donc plongé dans l’ambiance de ce quartier, afin d’essayer de comprendre mes origines », confie le photographe. Avec patience et persévérance, celui-ci a cherché ses futurs modèles. Un travail de longue haleine, puisque les britanniques sont selon-lui « plutôt timides et réservés ». Pourtant, au fil des rencontres, ses modèles se multiplient, des londoniens aux visages expressifs, touchants. « Lorsqu’on pense au Brexit, on imagine souvent que ce sont les classes ouvrières blanches qui ont voté en masse. Pourtant, ce sont plutôt les classes moyennes blanches qui sont en majorité responsables de la décision finale », déclare l’auteur. East London, quartier historique, aussi fourmillant qu’énergisant demeure avant tout un lieu multiculturel, bercé par de nombreuses traditions et religions. Un mélange d’origines donnant à voir la diversité de l’identité britannique.
© Sam Gregg