Dans Apparitions, la photographe française Marjolaine Vuarnesson croise sa vision adulte des relations aux fantasmes de son adolescence. Un projet de livre intime, fait de métaphores, de désirs et de réflexions.
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Apparitions, c’est mon histoire. C’est celle d’une femme seule, qui rêve encore de l’amour idéal. Celle d’une femme qui combat sa dépendance affective, qui fait un choix d’indépendance suite à plusieurs déceptions amoureuses… » Imaginée pour la première fois en 2019, lors d’une Milk Masterclass animée par Ljubisa Danilovic et Sabrina Biancuzzi, la série de Marjolaine Vuarnesson s’apprête aujourd’hui à être posée sur les pages d’un livre. D’abord peintre, l’artiste s’est intéressée à la sculpture avant de se tourner vers la photographie. Médium qui lui permet de poursuivre ses expérimentations et de croiser les esthétiques pour mieux illustrer le cours de ses pensées. « Mon approche est en perpétuelle évolution, de la manipulation du polaroid au photogramme en passant par le tirage argentique couleur. J’aime l’idée d’être l’autrice du processus du début à la fin, et de me laisser porter par les aléas de la chimie », confie-t-elle.
Une hybridation des genres qui lui permet de mettre en image sa propre histoire. Effrayée par la solitude, Marjolaine Vuarnesson enchaîne d’abord les relations amoureuses pour y échapper, avant de s’installer dans une histoire longue, où elle se sent délaissée par un conjoint contraint de voyager beaucoup pour son travail. « J’étais à l’époque en panne d’inspiration, et la photographie m’a permis de m’exprimer autrement, de me mettre en scène pour raconter mes émotions, mes angoisses à l’approche des 40 ans sans avoir connu l’expérience d’avoir un enfant », complète-t-elle.
Vieux fantasmes et nouvelles attentes
Et, à travers ce travail artistique thérapeutique, l’artiste apprend à apprécier sa propre présence, à s’accepter, et à accueillir la sérénité. Véritable voyage onirique entre les méandres d’une pensée enfantine – dans laquelle survit le mythe du prince charmant – et la résolution plus adulte de vivre en paix avec soi, comme avec les autres, Apparitions se lit comme une quête. Une quête vers un futur paisible, où les notions d’idéal s’estompent pour un réalisme plus accessible. « La petite fille est bien là, et rêve toujours, mais l’adulte la raisonne », s’amuse la photographe.
Dans ses images, les corps se font sensuels, les courbes humaines suivent celles des éléments du décor et évoquent une légèreté retrouvée. Sublimées par des clairs-obscurs picturaux – inspirés par le courant caravagesque et les tableaux de Rembrandt, mais aussi par les lumières de Saul Leiter, Amaury Da Cunha ou encore Julien Magre – les compositions de Marjolaine Vuarnesson inspirent calme et volupté. « Je pense que j’ai toujours à l’esprit de conserver une certaine pudeur. Cette façon de photographier me permet ainsi de montrer uniquement ce que je souhaite dévoiler, tout en laissant dans l’ombre ce que je préfère garder pour moi », précise l’artiste. Car, dans les négatifs de polaroid comme lors de prises de vue plus « classiques », les visages n’apparaissent que de temps à autre. Comme des échos fantomatiques, venus des songes d’un temps révolu. Des fragments de mémoire, qui s’accrochent au présent, et viennent nourrir les vieux fantasmes comme les nouvelles attentes. Comme un récit décousu, où le désir surgit, jusqu’à déborder des pages, et teinte le réel d’une lueur chaleureuse. « Ma vision de l’amour oscille toujours entre l’utopie que j’imaginais adolescente et les relations que j’ai véritablement vécues. Je ressens aujourd’hui que la vision de l’amour change, les rêves sont remplacés par le désir et l’aspiration à vivre en harmonie », conclut la photographe. Une réflexion introspective traduite en image à coup de métaphores et autres excursions sensorielles.
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© Marjolaine Vuarnesson