À l’occasion des Rencontres d’Arles, le Palais de l’Archevêché consacre une rétrospective à Saul Leiter. Entremêlant tirages et peintures, l’exposition se présente comme une belle manière de (re)découvrir le grand-œuvre de ce génie de la couleur.
Saul Leiter, pourtant pionnier de la couleur, fait partie de ces avant-gardistes dont le grand-œuvre ne fut reconnu que tardivement. Pendant plus de soixante ans, l’artiste a sillonné les rues de New York, et en particulier son quartier du Lower East Side, avec pour seul guide la beauté fragile qui anime les jours. Portées par cet élan poétique, ses compositions ne s’inscrivent non pas dans le reportage, mais dans une documentation de fragments d’existence qui, mis côte à côte, parviennent à traduire l’esprit d’une époque, bien plus atemporelle. « Une des choses que m’a permises la photographie, c’est de prendre plaisir à regarder », aimait-il à souligner. Les mouvements de la vie, abritée dans les échoppes qui bordent son chemin, surgissant de l’entrebâillement d’une porte ou d’un quelconque reflet, s’imposent comme un fil conducteur. De son œil de peintre, il saisit ainsi le charme délicat, de même que le mystère, d’un quotidien voué à disparaître.
D’autres nuances du réel
« La rue, c’est comme un ballet. On ne sait jamais ce qui va se passer », suggérait Saul Leiter, tel un éternel spectateur de la vie moderne. Chacun de ses tirages donne à voir d’autres nuances du réel, révélées au moyen de jeux d’optiques, toujours esthétiques. À l’image, l’obscurité sert notamment de contrepoint à un éclat de couleur qui attire l’œil, irrémédiablement, vers certains détails. En creux, cette astuce visuelle invite celui ou celle qui contemple à mieux apprécier les harmonies d’un monde imparfait. « Il se trouve que je crois à la beauté des choses simples. Je pense que la chose la plus insignifiante peut s’avérer très intéressante », assurait-il volontiers.
Bien nommée, l’exposition arlésienne prolonge cet attrait pour les assemblages en proposant un ensemble de photographies et de peintures – inédites pour l’essentiel – se répondant. À cela s’ajoute la diffusion, dans une salle adjacente, d’un entretien filmé qui précise la vision d’un auteur fascinant, dont il reste encore beaucoup à découvrir. À sa mort, en 2013, entre 20 000 et 40 000 diapositives et plus de 5 000 planches contacts ont été retrouvées. Pour celles et ceux qui ne pourraient se rendre aux Rencontres ou voudraient agrémenter leur bibliothèque de quelques fragments de l’œuvre de Saul Leiter, les Éditions Textuel ont publié trois monographies, les premières en France, retraçant ses innombrables pérégrinations.