Jusqu’au 30 novembre 2024, le Mémorial de Verdun présente Ukraine: Photographs from the Frontline. L’exposition, d’abord conçue par l’Imperial War Museums, dévoile le travail d’Anastasia Taylor-Lind. Depuis les manifestations de Kiev, en 2014, la photoreporter documente le quotidien en Ukraine.
Il y a maintenant près de deux ans et demi, la guerre en Ukraine a pris un tournant. À la suite de l’invasion russe, survenue en février 2022, les réactions politiques ont été nombreuses. D’une part, les pays de l’Occident ont mis en place des sanctions économiques contre la Russie. D’autre part, à mesure que Volodymyr Zelensky sillonnait le monde pour multiplier les prises de paroles, ils ont procédé à des livraisons d’armes et de munitions tout en dispensant des formations militaires aux nouveaux combattants. Au fil du temps, les affres du conflit ont emporté avec elles l’existence des personnes restées sur place. Dans la plupart des journaux d’information, les chiffres s’accompagnent d’images de territoires désolés ou de portraits de victimes dévastées quand la violence de la réalité dépeinte n’est pas plus explicite encore. Aucun fragment de normalité ne semble subsister.
L’importance du devoir de mémoire
Dès 2014, aux prémices du conflit, Anastasia Taylor-Lind était sur le terrain. La photoreporter anglo-suédoise couvrait alors la révolution de Maïdan, un grand mouvement populaire anti-corruption en faveur d’un rapprochement avec l’Europe. Son objectif était déjà de documenter « les effets de la violence sur la vie quotidienne des gens ordinaires en Ukraine », explique-t-elle. Ses images argentiques – prises, pour beaucoup, dans des territoires aujourd’hui occupés et inaccessibles – montrent aussi bien des familles vivant dans le Donbass que des soldats dans les années 2018, qu’elle a appris à connaître et dont elle suit encore le parcours. Ses tirages cristallisent des histoires individuelles, au sein desquelles courage et optimisme se déclinent, et participent à humaniser la situation. La résilience d’un peuple se dessine ainsi. Malgré une conjoncture instable, celui-ci n’a de cesse de s’adapter, de défendre l’avenir en lequel il croit.
Comme le souligne Anastasia Taylor-Lind, la guerre se vit et se raconte de plusieurs manières. « Lorsque l’on connaît les lieux et les personnes, les choses se présentent différemment », admet par ailleurs cette habituée des zones de conflits. Les portraits en extérieur ou en studio, réalisés sur fond noir avec les moyens du bord, les photographies montrant des ruines et des corps sans vie ou encore les vidéos qui achèvent l’exposition sont autant de formats que de façon de témoigner de l’horreur. Après avoir été dévoilée à l’Imperial War Museums, Ukraine: Photographs from the Frontline prend finalement ses quartiers dans un autre monument symbolique. Créé en 1967, au cœur des champs de bataille, sous l’impulsion d’anciens combattants, le Mémorial de Verdun est animé par la transmission. Quoique les conflits diffèrent en bien des aspects, leurs conséquences, notamment sur les populations, trouvent toujours des résonnances. Ce constat met une fois de plus en évidence toute l’importance du devoir de mémoire pour éviter que les périodes sombres de l’histoire se répètent.