Au Mémorial de Verdun, Anastasia Taylor-Lind témoigne du quotidien en Ukraine

Au Mémorial de Verdun, Anastasia Taylor-Lind témoigne du quotidien en Ukraine
Départ pour un point de contrôle, Donbass, 2019. © Anastasia Taylor-Lind
Photographie de Anastasia Taylor-Lind montrant des soldats ukrainiens, Donbass, juin 2022
Soldats ukrainiens, Donbass, juin 2022. © Anastasia Taylor-Lind / Imperial War Museums.

Jusqu’au 30 novembre 2024, le Mémorial de Verdun présente Ukraine: Photographs from the Frontline. L’exposition, d’abord conçue par l’Imperial War Museums, dévoile le travail d’Anastasia Taylor-Lind. Depuis les manifestations de Kiev, en 2014, la photoreporter documente le quotidien en Ukraine.

Il y a maintenant près de deux ans et demi, la guerre en Ukraine a pris un tournant. À la suite de l’invasion russe, survenue en février 2022, les réactions politiques ont été nombreuses. D’une part, les pays de l’Occident ont mis en place des sanctions économiques contre la Russie. D’autre part, à mesure que Volodymyr Zelensky sillonnait le monde pour multiplier les prises de paroles, ils ont procédé à des livraisons d’armes et de munitions tout en dispensant des formations militaires aux nouveaux combattants. Au fil du temps, les affres du conflit ont emporté avec elles l’existence des personnes restées sur place. Dans la plupart des journaux d’information, les chiffres s’accompagnent d’images de territoires désolés ou de portraits de victimes dévastées quand la violence de la réalité dépeinte n’est pas plus explicite encore. Aucun fragment de normalité ne semble subsister.

Photographie de Anastasia Taylor-Lind montrant des manifestations antigouvernementales, Kiev, février 2014.
Manifestations antigouvernementales, Kiev, février 2014. © Anastasia Taylor-Lind / Imperial War Museums.
Photographie de Anastasia Taylor-Lind montrant une famille avec un cheval dans le Donbass, 2018.
Vivre au milieu du conflit, Donbass, 2018. © Anastasia Taylor-Lind / Imperial War Museums.
Photographie de Anastasia Taylor-Lind montrant deux sœurs, Lyudmyla et Nelya Tkachenko, Pologne, mars 2022
Sœurs Lyudmyla et Nelya Tkachenko, Pologne, mars 2022. © Anastasia Taylor-Lind / Imperial War Museums.

L’importance du devoir de mémoire

Dès 2014, aux prémices du conflit, Anastasia Taylor-Lind était sur le terrain. La photoreporter anglo-suédoise couvrait alors la révolution de Maïdan, un grand mouvement populaire anti-corruption en faveur d’un rapprochement avec l’Europe. Son objectif était déjà de documenter « les effets de la violence sur la vie quotidienne des gens ordinaires en Ukraine », explique-t-elle. Ses images argentiques – prises, pour beaucoup, dans des territoires aujourd’hui occupés et inaccessibles – montrent aussi bien des familles vivant dans le Donbass que des soldats dans les années 2018, qu’elle a appris à connaître et dont elle suit encore le parcours. Ses tirages cristallisent des histoires individuelles, au sein desquelles courage et optimisme se déclinent, et participent à humaniser la situation. La résilience d’un peuple se dessine ainsi. Malgré une conjoncture instable, celui-ci n’a de cesse de s’adapter, de défendre l’avenir en lequel il croit.

Comme le souligne Anastasia Taylor-Lind, la guerre se vit et se raconte de plusieurs manières. « Lorsque l’on connaît les lieux et les personnes, les choses se présentent différemment », admet par ailleurs cette habituée des zones de conflits. Les portraits en extérieur ou en studio, réalisés sur fond noir avec les moyens du bord, les photographies montrant des ruines et des corps sans vie ou encore les vidéos qui achèvent l’exposition sont autant de formats que de façon de témoigner de l’horreur. Après avoir été dévoilée à l’Imperial War Museums, Ukraine: Photographs from the Frontline prend finalement ses quartiers dans un autre monument symbolique. Créé en 1967, au cœur des champs de bataille, sous l’impulsion d’anciens combattants, le Mémorial de Verdun est animé par la transmission. Quoique les conflits diffèrent en bien des aspects, leurs conséquences, notamment sur les populations, trouvent toujours des résonnances. Ce constat met une fois de plus en évidence toute l’importance du devoir de mémoire pour éviter que les périodes sombres de l’histoire se répètent.

À lire aussi
Focus #69 : Michel Slomka et l’autre regard sur la guerre d'Ukraine
05:18
Focus #69 : Michel Slomka et l’autre regard sur la guerre d’Ukraine
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Cette semaine, Michel Slomka nous parle de Topographies II – Ukraine. Dans cette série le…
31 janvier 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Orianne Ciantar Olive : lumières de résistance
© Orianne Ciantar Olive
Orianne Ciantar Olive : lumières de résistance
Dans After War Parallax, Orianne Ciantar Olive esquisse les contours de Sarajevo et de Beyrouth, deux villes distinctes dont la…
22 février 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Chupacabras © Eleana Konstantellos
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Eleana Konstantellos développe, depuis 2019, de nombreux projets photographiques mêlant mise en scène et recherche...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
© Suzy Holak / Instagram
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
Est-ce un vice de vouloir posséder de l’argent et des biens ? Bijoux ou billets de banque, tout élément tape-à-l’œil attire le regard des...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
L’ancien président Donald Trump avec ses fils, des membres du parti et des supporter·ices lors de la convention nationale républicaine à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 15 juillet 2024 © Joseph Rushmore.
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
C’est l’heure du récap ! La politique et les questions sociétales sont au cœur de cette nouvelle semaine de novembre.
17 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Baptiste Rabichon, en équilibre entre réel et virtuel
© Baptiste Rabichon
Baptiste Rabichon, en équilibre entre réel et virtuel
Jusqu’au 30 novembre, la Galerie Binome à Paris accueille l’exposition Dis-moi les détours de Baptiste Rabichon. En se servant de divers...
15 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Elie Monferier : visible à la foi
© Elie Monferier
Elie Monferier : visible à la foi
À travers Sanctuaire – troisième chapitre d’un projet au long cours – Elie Monferier révèle, dans un noir et blanc pictorialiste...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Eimear Lynch s'immisce dans les préparatifs de soirées entre adolescentes 
© Eimear Lynch
Eimear Lynch s’immisce dans les préparatifs de soirées entre adolescentes 
Dans le souvenir de bons moments de son adolescence, Eimear Lynch, aujourd’hui âgée de 29 ans, a imaginé Girls’ Night. Au fil des pages...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet