Ce que cache la nuit

23 septembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Ce que cache la nuit

Avec Shiver, la jeune photographe Sterre Arentsen s’enfonce dans la nuit noire à la recherche de « proies » photographiques. Une errance nocturne guidée par le mystère, la frayeur et l’instinct animal.

Dans l’obscurité, la réalité se trouble, devient poreuse. Les changements s’opèrent de manière invisible, et déforment l’environnement. Seuls les flashs de lumière – vifs et cinglants – révèlent ce que l’œil humain ne peut décerner. Privés de la noirceur, chaque détail devient étrange, énigmatique. La végétation se fait martienne, et les corps sont soudain figés dans des positions incongrues.

C’est cette absurdité que recherche Sterre Arentsen. Née en 1997, la photographe néerlandaise aime jouer avec les rapports entre modèles et sujets. « En photographiant des personnes, j’ai vite réalisé que je les traitais comme des éléments de décors. Au fil de ma pratique, je me suis donc davantage intéressée à l’inanimé. Sans que je comprenne comment, les objets photographiés ont développé une palette d’émotions supérieure à celle de l’humain. J’étais fascinée par les histoires qu’ils avaient à raconter », confie-t-elle. Pour l’artiste, les hommes laissent leur empreinte sur les choses, et les transforment en réceptacles sensibles. « Pour cette raison, les effacer des images est un acte qui me permet de construire un récit bien plus honnête », ajoute-t-elle. Un conte spontané, brut, sans mise en scène aucune.

© Sterre Arentsen© Sterre Arentsen

Un somnambule intentionnel

Sauvage, mystérieuse, la série Shiver guide la photographe – et le regardeur – dans la nuit noire, en quête de « proies », de détails à capter, à dévorer sur le vif. « Cette analogie du prédateur est un écho de ma pratique photographique, très intuitive », précise Sterre Arentsen, qui a bravé sa peur de l’obscurité pour réaliser ces images. Se fiant à son instinct, sans stimulation visuelle, l’artiste dégaine au hasard, révélant des trésors ordinaires. Sous la lumière de son flash, la végétation et les éléments urbains se transforment en butin. En accumulant les clichés, la photographe entame une collection surnaturelle, où les sujets ne sont jamais vraiment ce qu’ils semblent être.

« Si je devais résumer mon approche, je dirais que je suis un « somnambule intentionnel ». J’essaie toujours de trouver l’équilibre entre le contrôle et le lâcher-prise », explique-t-elle. Comme croisées au détour d’un rêve lucide, ses images font appel à l’irrationnel. En n’illuminant que certains détails, Sterre Arentsen capture l’indéfini, l’inexploré. Face à ses œuvres, l’esprit vagabonde, ère en quête d’un sens qui ne vient pas. Acculés par un doute oppressant, il nous faut à présent devenir trappeur, et pister nos propres significations.

© Sterre Arentsen© Sterre Arentsen
© Sterre Arentsen© Sterre Arentsen
© Sterre Arentsen© Sterre Arentsen
© Sterre Arentsen© Sterre Arentsen
© Sterre Arentsen© Sterre Arentsen
© Sterre Arentsen© Sterre Arentsen

© Sterre Arentsen

Explorez
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Gangs de chats, pigeons dérobés ou espions : ces séries de photos sur les animaux
© Chloé Lamidey
Gangs de chats, pigeons dérobés ou espions : ces séries de photos sur les animaux
Chiens, chats, ours, éléphants ou encore pigeons, apprivoisés, sauvages ou même espions, parmi les séries présentées sur les pages de...
23 juillet 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Onironautica : les rêves lucides, l’IA des êtres humains
© Ludivoca De Santis
Onironautica : les rêves lucides, l’IA des êtres humains
Collections d’images venues de rêves lucides, Onironautica de Ludovica De Santis interroge, au travers de mises en scène intrigantes...
19 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Le Jardin du Lunch : les boulettes de Proust
© Pascal Sgro
Le Jardin du Lunch : les boulettes de Proust
Entre nostalgie et humour, le photographe belge Pascal Sgro saisit, dans sa série en cours Le Jardin du Lunch, la bienveillante laideur...
19 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina