
Chad Unger est l’auteur de la série au titre étrange et poétique Fire Barked At Eternity – littéralement « le feu aboya à l’éternité ». De ce journal de route sensible, véritable traversée des états et des lumières, surgit une façon de regarder le monde qui refuse la précipitation et célèbre au contraire l’inattendu.
Artiste visuel sourd et homosexuel, Chad Unger avance dans le monde avec une attention obstinée pour ce qui échappe au rythme dominant. Même en ville, où tout déborde, il s’attache aux moments et aux rares endroits qui respirent. « Comme je ne me précipite pas et ne cherche pas à obtenir des résultats spécifiques, je suis devenu plus attentif aux moments subtils… aux petits gestes, aux rencontres discrètes et aux transitions de lumière ou d’atmosphère qu’autrement, j’aurais pu négliger », confie-t-il. L’ensemble de Fire Barked At Eternity – qui a donné le nom à un livre paru chez Pomegranate Press en 2022 – est un voyage, sans objectif ni intention particulière, entièrement guidé par ce principe.
Vivre avec l’incertitude
Installé à Los Angeles, le photographe américain a longé le nord de la Californie, puis a traversé le Maroc et l’Irlande. Trois paysages particulièrement différents donc, marquant chacun un chapitre distinct. Chaque lieu est devenu une étape importante pendant une période de recherche, d’incertitude et de transformation. Il y passe sans cesse de la nature à la ville : « C’était un moyen d’exprimer l’incertitude que je ressentais, raconte-t-il. Je passais des paysages aux environnements urbains parce que je passais d’une version de moi-même à une autre, à la recherche de mon identité, sans m’en rendre compte. »



Visions denses et apaisantes
Vision romantique par excellence d’un rocher sur la mer au crépuscule, pile de bouteilles contre un mur, cheval abrité sous un arbre isolé… Chad Unger, grand contemplatif, quête la présence dans l’absence, la trace dans l’objet abandonné. Ses compositions, souvent très picturales, rappellent celles de Gregory Halpern ou d’Alec Soth, deux influences revendiquées : un seul cadre, presque hasardeux, peut s’avérer d’une richesse en détails – et donc en histoires – exceptionnelle. Selon le photographe, « au lieu de documenter des événements dramatiques », le travail de ces deux artistes se concentre au contraire « sur des moments qui ne se révèlent que lorsque l’on prend le temps de vraiment regarder ». « Avec le recul, poursuit-il, ce rythme faisait écho à ce que je vivais intérieurement… Chercher sans savoir ce que je cherchais, laisser le sens émerger progressivement plutôt que de le forcer. » Dans un tempo lent, Chad Unger dessine une ouverture née du choc entre les éléments, un appel qui nous ébranle et nous oblige à réagir. Le cri du feu vers l’éternité.



