Les coups de cœur #550 : Guillaume Hutin et Ali Beşikçi

14 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #550 : Guillaume Hutin et Ali Beşikçi
Masumiyet © Ali Beşikçi
Arbre dont les couleurs ont été altéré en rouge.
Land Coral © Guillaume Hutin

Guillaume Hutin et Ali Beşikçi, nos coups de cœur de la semaine, ont au centre de leur pratique la notion de dialogue. Si le premier fait parler ses images, ouvertes à tout récit, entre elles, le second interroge la façon dont notre perception façonne le monde.

Guillaume Hutin

Pour Guillaume Hutin, l’image se présente « comme un mirage de l’esprit ». Elle n’a pas pour but de reproduire le réel, mais de saisir et de traduire visuellement la sensation éprouvée face à lui. Des paysages de nature, des vagues faisant danser les algues, des visages imperceptibles ou des fragments de corps-sculptures parsèment l’univers de l’artiste. Son utilisation du flou et sa manipulation des couleurs tirent ses clichés tantôt vers l’abstraction, tantôt vers le surréel. La photographie se fait ainsi seuil entre le monde et la façon dont il peut être perçu.

La déformation et l’altération de l’image occupent une place importante dans la production de l’artiste installé entre Paris et l’est de la France. « C’est une manière d’habiter un peu plus encore l’endroit où mes yeux se sont arrêtés », explique-t-il. Parfois, le hasard provoque lui-même la transformation. En atteste Incidens, série de photos brûlées accidentellement par la lumière en raison du dysfonctionnement du rideau de l’appareil. Un heureux imprévu, la surexposition « ne masquant pas le réel, mais le révélant autrement », d’après le plasticien. Quête d’un dialogue entre soi et le monde, son œuvre se propose d’en matérialiser les échanges.

Des mains sont levées sur un fond blanc et un objet indiscernable au premier plan.
Incidens #1 © Guillaume Hutin
Visage presque non reconnaissable avec flou et altération de l'image.
Anima © Guillaume Hutin
Portrait au premier plan flou aux couleurs étranges avec paysage en arrière plan.
Delere © Guillaume Hutin
Photo de nature avec maison en arrière plan et des cheveux qui broutent en second plan, une partie de l'image est brûlée par la lumière.
Incidens #2 © Guillaume Hutin
Vague avec des algues dont le flou crée presque une abstraction.
Vagus © Guillaume Hutin
Un groupe de jeunes se baigne dans un lac.
Masumiyet © Ali Beşikçi

Ali Beşikçi

Les clichés d’Ali Beşikçi contiennent en leur sein un hors-champ imaginaire, une forme d’épaisseur narrative. Photographe et éditeur originaire d’Istanbul résidant actuellement à Rome, il s’est d’abord intéressé au cinéma avant de se tourner vers l’image fixe. Mais son premier penchant pour le 7e art a tôt fait de le rattraper : ne pouvant se résoudre à isoler ses photos les unes des autres, l’artiste s’emploie à les assembler et les réassembler, créant à travers ce montage – qui trouve son support dans l’objet du livre – un dialogue, une histoire. Celle-ci ne possède ni début, ni fin, rejette la succession linéaire d’évènements, mais en suggère l’arrivée. Finalement, ce qui intéresse Ali Beşikçi est cet entre-deux survenant avant ou après l’action, l’ambiguïté de l’instant.

Cherchant à produire des œuvres « qui dépassent leur déclaration initiale, donnent naissance à de nouveaux sens […] et s’appuient sur le réel tout en créant leur propre réalité », il accorde aux images et à leur interprétation une grande liberté. En les liant entre elles, le plasticien offre aux photographies l’autonomie de leur propre récit. Il se met ainsi à l’écoute de ses clichés plutôt qu’il ne les force à exprimer une chose précise. Son projet intitulé Masumiyet incarne particulièrement cette démarche. Dans un premier temps, la série lui a semblé aborder le thème de l’innocence. En réalité, elle en a évoqué tour à tour l’absence, le deuil puis la quête. Chez Ali Beşikçi, les images parlent toujours, mais jamais ne figent leurs discours.

La plage et la mer de nuit, des jeunes que l'on voit de loin semblent jouer sur la plage.
Masumiyet © Ali Beşikçi
Un matelas dans une grotte.
Masumiyet © Ali Beşikçi
Photographie en noir et blanc de jambes.
Masumiyet © Ali Beşikçi
Vue plongeante sur une personne de dos assise dans les rochers.
Masumiyet © Ali Beşikçi
À lire aussi
Les coups de cœur #548 : Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher
Diversum © Konrad Hellfeuer
Les coups de cœur #548 : Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher
Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher, nos coups de cœur de la semaine, invitent à ralentir, observer et contempler. Interrogeant les thèmes…
23 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Andrea © Ainhoa Ezkurra Cabello
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella, nos coups de cœur de la semaine, saisissent l’intime, les corps et les relations aux…
07 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Explorez
Les photographes montent sur le ring
© Mathias Zwick / Inland Stories. En jeu !, 2023
Les photographes montent sur le ring
Quelle meilleure façon de démarrer les Rencontres d’Arles 2025 qu’avec un battle d’images ? C’est la proposition d’Inland Stories pour la...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Volcan, clip musical et collages : nos coups de cœur photo d’août 2025
© Vanessa Stevens
Volcan, clip musical et collages : nos coups de cœur photo d’août 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
29 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Contenu sensible
Focus #80 : Sofiya Loriashvili, la femme idéale est une love doll
06:31
© Fisheye Magazine
Focus #80 : Sofiya Loriashvili, la femme idéale est une love doll
C’est l’heure du rendez-vous Focus ! Alors que sa série Only You and Me se dévoilera prochainement sur les pages de Sub #4, Sofiya...
27 août 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La sélection Instagram #521 : monstres et merveilles
© Jean Caunet / Instagram
La sélection Instagram #521 : monstres et merveilles
Les monstres, les créatures étranges et hors normes sont souvent associés au laid, au repoussant. Les artistes de notre sélection...
26 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les Femmes et la mer : mondes liquides
© Louise A. Depaume, Trouble / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les Femmes et la mer : mondes liquides
Cette année, le festival photographique du Guilvinec, dans le Finistère, prend un nouveau nom le temps de l'été : Les femmes et la mer....
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Milena III
Les photographes montent sur le ring
© Mathias Zwick / Inland Stories. En jeu !, 2023
Les photographes montent sur le ring
Quelle meilleure façon de démarrer les Rencontres d’Arles 2025 qu’avec un battle d’images ? C’est la proposition d’Inland Stories pour la...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
La sélection Instagram #522 : la rentrée est de sortie
© Nicholas Ip / Instagram
La sélection Instagram #522 : la rentrée est de sortie
Annonçant la fin de l’été, le mois de septembre est pour beaucoup synonyme de rentrée. Source d’enthousiasme pour certain·es...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
© Valentine de Villemeur
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet