Daniel Blaufuks : journal d’un enfant de l’exil

05 décembre 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
Daniel Blaufuks : journal d’un enfant de l’exil
© Daniel Blaufuks
© Daniel Blaufuks

© Daniel Blaufuks
© Daniel Blaufuks

Issue d’une résidence au Centre d’art GwinZegal, l’exposition Journal de résistance de Daniel Blaufuks est une archive vivante de l’histoire d’une famille juive allemande échappée à la guerre. Dans ce récit se déployant sur plusieurs médiums, l’artiste se raconte et met en scène l’héritage d’un enfant de l’exil. Journal de résistance sera ouverte au public jusqu’au 11 février 2024.

Photographe archiviste, diariste, Daniel Blaufuks est descendant d’une famille juive allemande qui a fui la guerre et s’est réfugiée au Portugal. Son travail est traversé par le sujet de la mémoire, qu’elle soit privée ou publique. Il accompagne son quotidien de prélèvements d’images, coupures de journaux, pensées et notes brèves, dans une esthétique s’inspirant de la légende ou du haïku. Journal de résistance est le fruit d’une résidence au Centre d’art GwinZegal. Il y emploie majoritairement la photographie, la vidéo, le texte, et présente son œuvre sous la forme de livres, d’installations et de films. Le projet a été initié en 2018, avec la série Les jours sont comptés, qui retrace la construction personnelle d’un enfant de l’exil. C’est un travail aux multiples langages : celui des grands-parents juif·ves exilé·es d’Allemagne et fuyant le nazisme ; le portugais, sa langue d’adoption ; le français, la langue des surréalistes et de Perec qui traverse son œuvre ; et enfin l’anglais qui appelle l’écriture de Bob Dylan et quelques fulgurances cinématographique. « Les collages qui accompagnent les images de Blaufuks, ces coupures de journaux, ces polaroïds qui disent l’instantanéité des saisies, invitent par bribes des reflets du présent et du passé, ou plutôt de l’histoire au présent, comme si la mémoire surgissait dans le moment à travers une plaque de rue, un monument, ou une allusion qui éveille la curiosité en quête de traces », précise la professeure en littérature française Magali Nachtergael. La présence du photographe est témoignée par des notes écrites à la main sur les feuilles A4 qui font de cadre aux photos.

Dans l’infra-ordinaire, l’histoire se livre

Daniel Blaufuks ne cache pas, dans son œuvre, l’influence des écrivains Georges Perec et W. G. Sebald, l’un pour la mémoire niée de sa famille et l’autre pour le rôle des images dans ses livres. De Perec, Blaufuks tire la notion de « l’histoire ordinaire », celle qui se dessine dans les détails du quotidien plus que dans les manuels officiels. C’est dans « l’infra-ordinaire » que l’histoire se livre, comme le suggère Perec. Ce journal mêle des informations anodines avec des images et des mots faisant ressurgir toute la violence de la guerre. L’histoire intime d’une famille contrainte à l’exil, croise le récit d’une Europe en résistance face au nazisme et au fascisme. Dans la banalité des choses du quotidien, l’auteur décèle un fil rouge qui nous unit. « Le journal, c’est aussi le temps, celui qu’il fait et celui qu’il est. Celui du présent qu’il enregistre et du passé qui nous hante. Celui de nos petites vies et celui de la grande histoire » expliquent les commissaires de l’exposition. Dans Journal de la résistance, on assiste à la mémoire d’une mémoire, celle de la résistance, notamment en Bretagne. Par cette installation de 204 pages du journal, nous nous engageons à une déambulation subjective, « à la fois hommage et méditation » sur la mémoire des lieux et de la Résistance de la Seconde Guerre mondiale.

© Daniel Blaufuks
À lire aussi
Centre d'art GwinZegal : sublimer le territoire
Centre d’art GwinZegal : sublimer le territoire
Le nouveau Centre d’art GwinZegal a ouvert ses portes au sein de l’ancienne prison de Guingamp, le 26 avril 2019. Un espace magnifique…
29 avril 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Qui sont les soldats de nos dystopies ?
Qui sont les soldats de nos dystopies ?
Dans The Invisible Empire, le photographe finlandais Juha Arvid Helminen nous entraîne violemment dans le cauchemar d’une dystopie. Face…
22 mars 2021   •  
Écrit par Finley Cutts
BAOUMMM, un Japon en guerre
BAOUMMM, un Japon en guerre
Photographe d’origine japonaise, David Favrod signe Hikari, un projet singulier dédié à ses grands-parents, survivants de la Seconde…
14 janvier 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
© Arielle Bobb-Willis
Arielle Bobb-Willis célèbre la vie
Issue du mouvement de l’avant-garde noire contemporaine que nous présentons dans notre dernier numéro, Arielle Bobb-Willis capture le...
28 mars 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Algorithmes 
sous influence
© Lena Simonne, backstage du show Étam 2024 à Paris.
Algorithmes 
sous influence
Autrefois dominé par les magazines et les photographes, le secteur de la mode s’est transformé sous l’impulsion...
27 mars 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Focus : capitalisation du corps, tourisme strassé et indépendance
Unprofessional © Matilde Ses Rasmussen
Focus : capitalisation du corps, tourisme strassé et indépendance
Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant
qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la...
26 mars 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Finalistes du prix Découverte Fondation Roederer : ébranler l'histoire officielle
Sans titre, 2023. Série Patria Nostra © Julie Joubert. 2023-2024. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Prix Découverte 2025 Fondation Louis Roederer - L’assemblée de ceux qui doutent. Présenté par L’Hôtel Fontfreyde – Centre Photographique, Clermont-Ferrand, France.
Finalistes du prix Découverte Fondation Roederer : ébranler l’histoire officielle
Pour la deuxième année consécutive, les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer des Rencontres d’Arles seront exposé·es...
25 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Comédie, étrangeté et légèreté : 18 séries photographiques pour sourire
De la série Extrem Tourism, 2011 © Thomas Mailaender
Comédie, étrangeté et légèreté : 18 séries photographiques pour sourire
Canulars, farces et attrapes et étrangetés rythment chaque année cette première journée d’avril. Pour célébrer le poisson d’avril, la...
01 avril 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #500 : une bonne blague
© Théophile Baye / Instagram
La sélection Instagram #500 : une bonne blague
Aujourd’hui, attention à votre dos. Celui-ci pourrait être rempli de petits poissons et autres farces si typiques de ce premier jour...
01 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Kourtney Roy : une atmosphère parfaite pour une séance photo
© Kourtney Roy
Dans l’œil de Kourtney Roy : une atmosphère parfaite pour une séance photo
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Kourtney Roy, lauréate, en duo avec le compositeur Mathias Delplanque, de la 6e édition...
31 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #538 : Alexandre Dinaut et Pascal Fayeton
© Alexandre Dinaut
Les coups de cœur #538 : Alexandre Dinaut et Pascal Fayeton
Alexandre Dinaut et Pascal Fayeton, nous coups de cœur de la semaine, nous proposent deux voyages distincts. Le premier nous emmène en...
31 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet