Issue d’une résidence au Centre d’art GwinZegal, l’exposition Journal de résistance de Daniel Blaufuks est une archive vivante de l’histoire d’une famille juive allemande échappée à la guerre. Dans ce récit se déployant sur plusieurs médiums, l’artiste se raconte et met en scène l’héritage d’un enfant de l’exil. Journal de résistance sera ouverte au public jusqu’au 11 février 2024.
Photographe archiviste, diariste, Daniel Blaufuks est descendant d’une famille juive allemande qui a fui la guerre et s’est réfugiée au Portugal. Son travail est traversé par le sujet de la mémoire, qu’elle soit privée ou publique. Il accompagne son quotidien de prélèvements d’images, coupures de journaux, pensées et notes brèves, dans une esthétique s’inspirant de la légende ou du haïku. Journal de résistance est le fruit d’une résidence au Centre d’art GwinZegal. Il y emploie majoritairement la photographie, la vidéo, le texte, et présente son œuvre sous la forme de livres, d’installations et de films. Le projet a été initié en 2018, avec la série Les jours sont comptés, qui retrace la construction personnelle d’un enfant de l’exil. C’est un travail aux multiples langages : celui des grands-parents juif·ves exilé·es d’Allemagne et fuyant le nazisme ; le portugais, sa langue d’adoption ; le français, la langue des surréalistes et de Perec qui traverse son œuvre ; et enfin l’anglais qui appelle l’écriture de Bob Dylan et quelques fulgurances cinématographique. « Les collages qui accompagnent les images de Blaufuks, ces coupures de journaux, ces polaroïds qui disent l’instantanéité des saisies, invitent par bribes des reflets du présent et du passé, ou plutôt de l’histoire au présent, comme si la mémoire surgissait dans le moment à travers une plaque de rue, un monument, ou une allusion qui éveille la curiosité en quête de traces », précise la professeure en littérature française Magali Nachtergael. La présence du photographe est témoignée par des notes écrites à la main sur les feuilles A4 qui font de cadre aux photos.
Dans l’infra-ordinaire, l’histoire se livre
Daniel Blaufuks ne cache pas, dans son œuvre, l’influence des écrivains Georges Perec et W. G. Sebald, l’un pour la mémoire niée de sa famille et l’autre pour le rôle des images dans ses livres. De Perec, Blaufuks tire la notion de « l’histoire ordinaire », celle qui se dessine dans les détails du quotidien plus que dans les manuels officiels. C’est dans « l’infra-ordinaire » que l’histoire se livre, comme le suggère Perec. Ce journal mêle des informations anodines avec des images et des mots faisant ressurgir toute la violence de la guerre. L’histoire intime d’une famille contrainte à l’exil, croise le récit d’une Europe en résistance face au nazisme et au fascisme. Dans la banalité des choses du quotidien, l’auteur décèle un fil rouge qui nous unit. « Le journal, c’est aussi le temps, celui qu’il fait et celui qu’il est. Celui du présent qu’il enregistre et du passé qui nous hante. Celui de nos petites vies et celui de la grande histoire » expliquent les commissaires de l’exposition. Dans Journal de la résistance, on assiste à la mémoire d’une mémoire, celle de la résistance, notamment en Bretagne. Par cette installation de 204 pages du journal, nous nous engageons à une déambulation subjective, « à la fois hommage et méditation » sur la mémoire des lieux et de la Résistance de la Seconde Guerre mondiale.