L’artiste visuelle Danielle Ezzo s’est saisie des archives numériques du Metropolitan Museum of Art de New York (The Met) pour donner vie à des création originales. Dans ses compositions, les artefacts dialoguent entre eux de manière inattendue et chaotique : une curation anarchique qui défie le système d’archivage lui-même, ne pouvant exister que dans un espace virtuel. Suivre le projet.
Récemment, le Metropolitan Museum of Art de New York a développé des archives numériques de l’ensemble de sa collection et les a mises à la disposition du grand public. Malgré le grand nombre d’expositions, autant de documents qui n’ont jamais été présentés au public : œuvres anonymes, photographies d’artefacts divers et variés, cartes postales anciennes, textiles et bijoux anciens… une telle classification représente certes un défi et comporte quelques inconvénients, tant les archives sont vastes. Cependant, l’artiste Danielle Ezzo a su tirer parti de ce joyeux chaos en générant des assemblages d’œuvres n’ayant jamais cohabité… Et ne pouvant le faire que dans un espace de curation virtuelle ! Les objets acquièrent ainsi une nouvelle signification en dehors du temps et de la tradition, simplement par la façon dont ils sont filtrés. If not here, then when ? est le résultat de cet assemblage qui offre une vision photographique inédite de l’archive du musée. « Si la perte d’informations historiques fait partie de la manière dont ces objets ont circulé en ligne, je voulais l’accepter et le refléter dans la photographie finale, nous explique l’artiste lors d’un entretien. Au lieu de conserver des images contenant des artefacts qui vont ensemble d’un point de vue historique ou culturel, je me suis plutôt concentrée sur la forme, la couleur et l’aspect visuel de base, afin de créer une résonance entre les objets. Pouvaient-ils être attirés l’un par l’autre, simplement en fonction de la façon dont ils sont placés dans le cadre de l’image ? » Cette archive basée sur les choix des utilisateurices révèle les biais avec lesquels chacun·e approche la culture et rend cette collection largement méconnue, soudainement vivante.
Penser l’archive comme une entité vivante
Numériser les archives des grandes institutions a été l’une des façons prolifiques de faire survivre la culture en temps de pandémie. Une immense partie de ce qui est conservé en leur sein ne nous sera jamais visible, non seulement parce qu’il peut être compliqué de se rendre au musée, mais aussi et surtout parce que toutes les œuvres n’y seront pas montrées. Pour l’artiste, donc, ce processus permet bel et bien de penser l’archive comme une entité vivante. « Pour les personnes qui n’ont pas accès à certaines collections, les espaces virtuels leur permettent d’entrer en contact avec l’histoire d’une manière qui leur était autrement inaccessible » souligne Danielle. Selon son point de vue, l’expérience de la consultation en ligne permet à chacun·e de devenir curateurice et vivre une expérience rapprochée avec les objets, auxquels donner une deuxième interprétation.
Dans la pratique de Danielle, la photographie permet de prendre la distance nécessaire pour observer les artefacts autrement. C’est seulement dans une deuxième phase qu’elle y introduit vidéo, sculpture et modélisation 3D. « Dans le passé, j’ai utilisé des logiciels numériques comme Photoshop, la technologie de numérisation 3D, la vidéo, des procédés chimiques plus traditionnels, le papier découpé, la sculpture, la peinture et l’écriture. Cette liste continuera de s’allonger au fil du temps, car je suis très curieuse des différentes méthodes qui permettent d’enrichir les images » explique-t-elle. Autant de techniques qui ramènent à la vie des pièces uniques, tout en les permettant à chacun·e de se les approprier.
68 pages
35$