« Je trouvais que le fait que toute cette culture de la fraternité culmine avec un baiser entre deux hommes était une chose étrangement paradoxale. »
Jusqu’au 2 juin, le festival Circulation(s) expose The Darker the Night, the Brighter the Stars, plongée dans le quotidien de jeunes napolitain·es. Pour Fisheye, son auteur, Glauco Canalis, revient en particulier sur un cliché de sa série, qui raconte le paradoxe érotique d’une masculinité exacerbée.
« J’ai réalisé cette image lors de la troisième année (le projet de Glauco Canalis s’est étendu sur cinq ans, ndlr) où j’étais avec les jeunes du quartier de Torretta, à Naples. Je les ai vus s’embrasser, et surpris, je leur ai demandé la raison. Ils m’ont expliqué que c’était une manière typique de se saluer, que l’on fait seulement avec ses amis les plus proches. Un baiser fraternel. Ce sont généralement des enfants qui grandissent dans la rue, qui imitent le langage criminel tel qu’ils le voient dans les films, les vidéoclips ou les journaux. Le baiser entre deux hommes, dans le monde qu’ils tentent de reproduire, est souvent employé pour conclure une affaire entre deux chefs ou deux familles. Je leur ai demandé de poser chacun avec l’ami avec qui ils ont l’habitude de se saluer ainsi. Mon propos avec cette image est d’évoquer une culture un peu toxique de masculinité, qui naît des dynamiques de groupe chez les adolescent·es.
Je trouvais que le fait que toute cette culture de la fraternité culmine avec un baiser entre deux hommes était une chose étrangement paradoxale, puisque cela va à l’opposé des codes associés en général à la masculinité. Je trouvais fascinant de voir que la force avec laquelle ils affirment leur hétérosexualité se manifeste dans l’expression du lien et de la fraternité, et que cela s’accomplisse par un baiser – qui est presque une ouverture au développement d’une sexualité différente. C’est sujet à controverse, car c’est tellement extrême que cela s’exprime par l’exact opposé. »