« Entre nous, on l’appelle “Le déjeuner des canotiers”, car elle nous fait penser à cette célèbre peinture d’Auguste Renoir, autant par son sujet que par le placement des protagonistes dans l’image. »
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Lorène Durret, co-commissaire de l’exposition Marc Riboud – Photographies du Vietnam 1966-1976, présentée au musée Guimet, et directrice de l’association Les Amis de Marc Riboud. Avec sensibilité, elle nous dévoile l’aptitude de Marc Riboud à saisir des instants de vie ordinaire alors que la guerre ravage le pays.
À l’occasion du cinquantième anniversaire de la Paix à la suite de la guerre du Vietnam, le musée Guimet des Arts asiatiques et l’association Les Amis de Marc Riboud présentent jusqu’au 12 mai 2025 l’exposition Marc Riboud – Photographies du Vietnam 1966-1976. Les œuvres, issues d’un legs à l’institut parisien, racontent de manière singulière ce conflit meurtrier. Entre les États-Unis et de nombreux séjours à travers le Sud et le Nord Vietnam – il a été l’un des rares photographes occidentaux à pouvoir se rendre au Nord –, le photographe français a su saisir la force inébranlable d’un peuple aux faibles moyens face à la plus grande puissance de l’époque. Loin des lignes de front, souvent privilégiées par les journalistes étranger·es, Marc Riboud préfère se concentrer sur la population vietnamienne. Il a révélé au monde le visage humain de l’ennemi premier des États-Unis, un visage méconnu, celui de femmes, d’enfants et d’hommes vaquant à leurs occupations quotidiennes ou trouvant un moment de répit au bord d’un lac. Il dresse ainsi le portrait d’un quotidien en temps de guerre, d’une vie qui se poursuit dans les ruines, dans les usines, dans les rues, dans les camps de réfugié·es, dans les rizières.
Un moment de paix
« Cette photographie a été prise par Marc Riboud lors de l’un de ses reportages au Nord Vietnam. À partir de l’automne 1968, il est autorisé à se rendre à Hanoï, même s’il voyage également dans d’autres villes. Il est l’un des rares photographes occidentaux ayant eu le droit de franchir le 17e parallèle. Tout de suite, dans son travail, il s’adonne à décrire la vie quotidienne des habitant·es. En 1969, il retourne à Hanoï et capture cette image. Elle est le témoignage d’un moment de paix, si on peut dire, d’une pause dans la fureur de la guerre. On se trouve au bord d’un des lacs de la métropole. Ce dernier fait écho au calme et à la détente.
C’est aussi une photographie qui manifeste, à mon sens, le talent de composition de Marc Riboud. À travers plusieurs plans, les personnages se détachent très bien les uns des autres, dévoilant différentes histoires. Entre nous, on l’appelle “Le Déjeuner des canotiers”, car elle nous fait penser à cette célèbre peinture d’Auguste Renoir, autant par son sujet que par le placement des protagonistes dans l’image.
Hanoï est aussi une ville à laquelle était profondément resté attaché Marc Riboud. Elle a été le terrain de son dernier voyage en 2011, alors qu’il était très âgé. Je pense que dans ce cliché, on perçoit ce lien intime qu’il avait avec le lieu. »