Dans l’œil de Wayan Barre : chez les habitant·es de la vallée du cancer

03 juin 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dans l’œil de Wayan Barre : chez les habitant·es de la vallée du cancer
© Wayan Barre
WayanBarre
Photographe
« Il m’a demandé : “Tu penses vraiment qu’il se passe quelque chose avec l’air ?” Je venais de m’entretenir avec Wilma Subra, une militante et scientifique de la région. Sa dernière étude montrait des taux de chloroprène dans l’air autour de l’usine 221 fois supérieurs aux normes acceptables.  »

Cette semaine, plongée dans l’œil de Wayan Barre. Installé depuis plusieurs années en Louisiane, le photographe français s’est intéressé à un couloir d’environ 130 kilomètres longeant le Mississippi, où siègent plus de 150 usines chimiques et raffineries de pétrole. Dans cette « vallée du cancer », les communautés marginalisées vivent – contaminées. Pour Fisheye, il revient sur l’un des portraits poignants de sa série Behind the plants.

« James et sa fille posent pour moi dans la cuisine de leur mobile home, fourni par la FEMA (l’Agence fédérale des situations d’urgence), suite à l’ouragan Ida. La lumière qui plonge par la petite fenêtre dramatise la pièce. Un tableau « Make today amazing » dans le coin contraste la scène. On peut aisément deviner la situation socio-économique du foyer aux détails présents dans la cuisine. Derrière moi, sa femme et leur bébé m’observent, intrigués.

Je marchais aux environs de Denka Performance Elastomer, une des pires usines de la région en termes de pollution atmosphérique. J’ai vu ce papa promener sa fille et suis allé à sa rencontre. Il a fini par m’inviter chez lui. J’apprends les difficultés qu’il rencontre pour trouver un emploi, malgré la l’omniprésence d’usines autour. « Il te faut de bons diplômes si tu veux travailler pour eux », explique-t-il. Je lui demande s’il connait Denka et ce que l’usine rejette dans l’air. Il a entendu parler de quelque chose, mais n’y prête pas attention. Il a d’autres priorités.

Sa gentillesse et son insouciance m’ont touché. Alors que je partais, il m’a demandé : « Tu penses vraiment qu’il se passe quelque chose avec l’air ? » Je venais de m’entretenir avec Wilma Subra, une militante et scientifique de la région. Sa dernière étude montrait des taux de chloroprène dans l’air autour de l’usine 221 fois supérieurs aux normes acceptables. Il s’agit d’un produit chimique rentrant dans la composition du néoprène. Il est, entre autres, hautement cancérigène. »

À lire aussi
Dans l'œil de Lars Dyrendom : les ours polaires, victimes de la colonisation
© Lars Dyrendom, Polar Bear (2024) / Courtesy of Circulation(s)
Dans l’œil de Lars Dyrendom : les ours polaires, victimes de la colonisation
Né au Danemark et résidant désormais en Suède, Lars Dyrendom se concentre sur les rapports des humains à leur environnement. Polar Bear…
06 mai 2024   •  
Écrit par Milena III
Les photographes de Fisheye et la pollution sublimée
© Richard Pak
Les photographes de Fisheye et la pollution sublimée
Enjeux sociétaux, troubles politiques, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur nos pages ne…
09 février 2024   •  
Écrit par Milena III
Explorez
Matthieu Gafsou au Centre Claude Cahun : le corps humain face au vivant
© Matthieu Gafsou
Matthieu Gafsou au Centre Claude Cahun : le corps humain face au vivant
Jusqu'au 25 janvier 2025, le Centre Claude Cahun accueille une exposition de Matthieu Gafsou, Est-ce ainsi que les hommes vivent ? qui...
23 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
À la MEP, l’histoire de la photographie se révèle à travers celle des plantes
© Ali Kazma / Courtesy Francesca Minini, Milan
À la MEP, l’histoire de la photographie se révèle à travers celle des plantes
Jusqu’au 19 janvier 2025, la MEP invite son public à découvrir le monde fascinant de la flore au travers de Science/Fiction – Une...
21 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le chant des sirènes : les artistes racontent l’eau à la Villa Médicis
© Madison Bycroft
Le chant des sirènes : les artistes racontent l’eau à la Villa Médicis
Pour son exposition d’automne, l’Académie de France à Rome – Villa Médicis propose un voyage autour du thème de l’eau à travers les...
11 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
© Pia-Paulina Guilmoth
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
En quête de beauté et de magie, Pia-Paulina Guilmoth photographie au cœur de la nuit sa famille choisie. Ses images, quasi hantées, nous...
04 octobre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Scarlett Coten à la poursuite des masculinités plurielles
© Scarlett Coten. Colton, Austen Texas, USA 2019
Scarlett Coten à la poursuite des masculinités plurielles
Du 24 octobre au 30 novembre, la photographe Scarlett Coten présente pour la première fois à la galerie Les Filles du Calvaire, sa...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Architectes spatiaux
Exposition Back to Dust de Marguerite Bornhauser (2023), scénographie de Bigtime Studio © Marguerite Bornhauser
Architectes spatiaux
Mises en scène spectaculaires, enrichissements visuels, sonores, voire tactiles… Les scénographes contribuent à donner aux œuvres...
24 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Matthieu Gafsou au Centre Claude Cahun : le corps humain face au vivant
© Matthieu Gafsou
Matthieu Gafsou au Centre Claude Cahun : le corps humain face au vivant
Jusqu'au 25 janvier 2025, le Centre Claude Cahun accueille une exposition de Matthieu Gafsou, Est-ce ainsi que les hommes vivent ? qui...
23 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Dans l’œil de Sina Muehlbauer : les visages flous de nos souvenirs
© Sina Müehlbauer
Dans l’œil de Sina Muehlbauer : les visages flous de nos souvenirs
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Sina Muehlbauer. Intriguée par le masque métaphorique que l’on présente au monde – pour cacher...
23 octobre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas