« Le souffle, je l’ai senti par l’onde de choc, comme un point culminant, comme ce double soleil qui s’élève au-dessus du silo éventré. »
Cette semaine, plongée dans l’œil d’Orianne Ciantar Olive. Dans Les Ruines Circulaires, une série qui a donné lieu à After War Parallax, que nous vous présentions sur les pages du Fisheye #63, la photographe retrace les désastres qui ont bouleversé l’histoire du Liban. Pour Fisheye, elle revient en détail sur l’une de ses images, désormais consignée dans un bel ouvrage publié aux éditions Dunes.
« Beirut, 4 août 2020. Ce n’est pas la date à laquelle j’ai pris cette photographie. Le port, détruit, se laisse contempler tous les soirs depuis la fenêtre de mon appartement. Le souffle, je l’ai senti par l’onde de choc, comme un point culminant, comme ce double soleil qui s’élève au-dessus du silo éventré. De 2019 à 2023, j’ai entrepris une traversée des désastres, du nord vers le sud du Liban, que j’appelle Nabil. Le désastre, en latin, c’est la mauvaise étoile. C’est ce soleil mourant sans lequel on ne pourrait pas être. Cette image est le fruit d’un renversement, comme un glissement de terrain, où je suis passée du recto au verso. J’avais déjà retourné les mots, j’ai fini par retourner mes pellicules. Dans cette poétique de l’éternel recommencement de la violence, j’étais en route pour le mur de séparation de Kfar Kila, lui-même sous un feu perpétuel, et qui explosa huit mois plus tard. Avant d’entamer ce voyage, le cinquième que je ferai pour Les Ruines Circulaires, je n’ai pu faire autrement que photographier cette vue, emblème trouble et brûlant du désastre dans toute sa splendeur. C’est une photo simple, prise simplement un soir de mars 2023, depuis ma fenêtre, alors que je voulais seulement voir le bleu de la mer. »
138 pages
74 photographies – 52 en couleur et 22 en noir et blanc
59 €