Jusqu’au 17 décembre, le Hangar, centre d’art de Bruxelles, présente Des Oiseaux, une exposition collective reprenant l’ensemble atypique initié par les ateliers EXB. Un florilège de sensibilités diverses captant les mouvements des volatiles.
« À l’origine de cette exposition, il y a une histoire : celle de ma rencontre avec Christian Caujolle (conseiller artistique du Château d’eau, centre d’art à Toulouse, NDLR) et de ma découverte des ateliers des éditions Xavier Barral… »
, nous conte Delphine Dumont, directrice du Hangar lors de notre arrivée. À l’époque, seuls cinq livres de la collection des Oiseaux sont publiés, mais déjà, l’envie de réaliser des expositions à partir de cet ensemble atypique – né notamment de la passion de Xavier Barral pour la nature et les sciences – anime les deux commissaires d’exposition. Des Oiseaux, accroché au Hangar jusqu’au 17 décembre, est le second volet de cette aventure. Un deuxième chapitre prolongeant l’événement toulousain, et permettant de (re)découvrir les différents univers des photographes dans une nouvelle installation. Et dans le grand espace du centre d’art bruxellois, sur deux étages, les œuvres des treize photographes prennent une ampleur nouvelle. Croisant les écritures et les sensibilités, les émotions et les nuances, tous et toutes parviennent à faire de ce sujet d’étude un point de départ vers de multiples narrations.
© Paolo Pellegrin / Magnum Photos
Une mosaïque d’imaginaires
On ne peut tout d’abord qu’admirer la qualité plastique des vues aux airs d’estampe de Pentti Sammallathi – « une des séries qui fonctionne le mieux en livre », rappelle Delphine Dumont. Privilégiant lui aussi le noir et blanc poétique, les paysages minimalistes et les animaux en ombre chinoise, Michael Kenna propose une collection des plus délicate. Attachant une importance particulière à l’impression, Byung-Hun-Min imagine quant à lui un univers texturé et immersif, où les paysages se font aussi doux que des tissus. Autre élément fondateur de la collection, Bernard Plossu brille également par son usage du monochrome et par l’infinie tendresse avec laquelle il parvient à capturer les animaux.
Une douceur caractéristique du travail de Terri Weifenbach. Alors qu’elle habitait à Washington DC, dans une banlieue de plus en plus envahie par le béton, la photographe américaine choisit de conserver la verdure de son jardin. Une oasis qui attire une horde de moineaux, dont les vols chorégraphiés et la grâce naturelle fascinent l’artiste. « J’ai appris beaucoup de choses à leur contact. Le fait qu’ils peuvent vivre une vingtaine d’années, et qu’ils vivent en société, par exemple », confie-t-elle.
© Christophe Maout
Au Japon, Rinko Kawauchi a vu mourir son désir de partir sur une île documenter la vie des hirondelles à cause de la pandémie. Pourtant, un heureux hasard survient : un couple d’hirondelles fait un jour son nid dans son garage, en banlieue de Tokyo. Un parallèle tendre et amusant avec son propre statut de mère, confinée chez elle et s’occupant de son enfant. C’est au Japon également que Paolo Pellegrin réalise ses clichés captivants d’une colonie de milans – un sujet découvert par hasard, alors qu’il partait photographier les célèbres cerisiers de Kyoto. Plus graphique, Yoshinori Mizutani ne cesse d’arpenter lui aussi les rues nippones à la recherche de scènes insolites et colorées. Inspiré par la vie urbaine tokyoïte, il fige des scènes aux confins du fantastique. Un goût pour l’irréel que l’on retrouve, comme un écho, dans les créations de Graciela Iturbide. Nourrie par l’héritage culturel mexicain, l’artiste dresse un univers surréaliste, quelquefois fantasmagorique, où le surréalisme domine, et écrase toute notion du réel.
Véritable pause contemplative, Christophe Maout, lui, décide d’associer une paire de jumelles à un objectif – un clin d’œil aux origines du médium – pour réaliser des images rondes d’un ciel sublime : la vue de son appartement parisien. Au cœur du calme apaisant du confinement, il se perd dans la contemplation des volatiles, symboles d’une intense liberté. Le duo Albarrán Cabrera prolonge cette virée onirique grâce à leurs tirages splendides, travaillés aux infusions, aux feuilles d’or et aux chaudes nuances. Une plongée dans un monde d’une beauté bouleversante qu’on ne peut qu’apprécier. Cette douce rêverie prend fin face aux représentations d’oiseaux de Leila Jeffreys. Car en contemplant les créations de l’autrice australienne, on ne peut qu’ouvrir grand les yeux, ébahi·es. Travaillant à l’aide d’un studio qu’elle déplace et emmène partout avec elle, elle parvient à attirer les oiseaux et réaliser des portraits d’une humanité sans pareille. Situées à ses côtés, les créations de Roger Ballen – dernier ajout de la collection des Oiseaux – semblent lui répondre. Dans un noir et blanc sombre, viscéral, ses compositions mêlant oiseaux, marionnettes, poupées et créatures étranges sorties de son imaginaire, déplacent les volatiles dans un espace autre, aux frontières du cauchemar, là où plus rien ne semble impossible.
D’une inventivité impressionnante, l’exposition met en scène avec adresse l’ensemble créé par EXB. Une mosaïque d’écritures, de géographies et d’imaginaires à découvrir et savourer absolument.
© Roger Ballen
© à g. Yoshinori Mizutani / courtesy IMA gallery, à d. Leila Jeffreys
© Albarrán Cabrera
Image d’ouverture : © Albarrán Cabrera