À l’occasion des dix ans de Fisheye, les membres de sa rédaction reviennent, à tour de rôle, sur trois éléments qui les ont marqué·es : une rencontre, une série photo, un événement. Lumière cette semaine sur la sélection de Lou Tsatsas, rédactrice en chef web.
La rencontre : Shelbie Dimond
Nous remontons d’abord le temps jusqu’en 2018, à Arles. C’est la deuxième fois que je passe la première semaine de juillet à explorer les diverses expositions des Rencontres. Au détour d’un vernissage, je fais la connaissance de Shelbie Dimond, une Américaine séjournant en France. Elle me raconte des bribes de son histoire, et – fascinée – je lui propose qu’on se retrouve pour un entretien le lendemain à la terrasse d’un café. Le soleil tape lorsqu’elle me raconte l’histoire de sa jeune vie : élevée par des Témoins de Jéhovah, elle est chassée par la communauté lorsqu’elle décide d’explorer et d’assumer sa sexualité. Diagnostiquée peu après d’un trouble borderline, elle trouve dans la photographie un refuge, une forme d’expression sans limites qui l’apaise. Mêlant argentique et Polaroïd, elle développe une collection de portraits oniriques et sensuels s’affranchissant avec grâce des tabous…. Après plus d’une heure de conversation, je repars avec la certitude d’être sur le point de signer mon premier portrait.
La série : The Splitting of the Chrysalis, Yorgos Yatromanolakis
C’est en me perdant dans les archives de fisheyemagazine.fr à la recherche d’un fragment, d’un souvenir qui m’aurait fait vibrer que j’ai (re)découvert The Splitting of the Chrysalis, de Yorgos Yatromanolakis – un portfolio rédigé il y a plus de cinq ans. En pleine nuit, sous les étoiles, le photographe grec illustre une nature fantaisiste et picturale où se perdent rêves enfantins et désir d’appartenance. En Crète, il se coupe de toute humanité et confronte, en images, ses traumatismes passés. En contemplant ses délicates créations, je ne peux m’empêcher d’être touchée par la profonde poésie qui en émane. Les jeux de lumière confèrent aux roches et aux plantes une aura picturale, comme si des esquisses imaginaires sublimaient le réel. Ils érigent un espace connecté au cosmos, où l’on aime à se perdre… et en y pénétrant, je ne peux m’empêcher de remarquer que bien qu’elles aient évolué en quelques années, mes préférences photographiques n’ont pas vraiment changé.
L’événement : Kyotographie 2023
Si les voyages de presse sont monnaie courante lorsqu’on est journaliste, les escapades de plusieurs jours en dehors de l’Europe demeurent rares – et précieuses. Alors lorsque j’ai eu l’opportunité de m’envoler pour Kyoto en avril dernier, mes yeux ont brillé. Après environ 24h de périple – porte à porte – je découvre en parallèle les sublimes scénographies du festival international et la splendeur de la ville nippone. Cimaises inspirées, entretiens improvisés au petit déjeuner, visites de temples sacrés où sont nichés des écrins photographiques, diners avec divers artistes et commissaires d’exposition… Au fil du séjour, c’est toute une culture qui se dévoile devant moi. Un clin d’œil inattendu à la thématique de cette édition 2023 : la Frontière. Et malgré le décalage horaire et le rythme soutenu des visites (près d’une vingtaine d’événements vus en deux jours !), les relectures et rédactions nocturnes pour rentrer dans le timing du bouclage, je garde de cette aventure une vague intense de positif, et d’inspiration.